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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

in Japan, dit : « Sur toute l’étendue de l’Asie et parmi les races mogole, tartare et turcomane un sentiment d’art, dans n’importe quelle forme, faisait absolument défaut. » Et sir Rutherford avait raison. Le Coréen, descendant de ces races, est resté ce qu’il a été, sauvage, jusqu’à l’invasion indienne. M. Léon de Rosny, dans son ouvrage : Les peuples orientaux connus des anciens Chinois, a dit à ce sujet : « Les migrations indiennes qui ont apporté, dans le pays de Tchao-Sien (Tchösen), les caractères indiens, n’ont pas été sans y introduire les grandes doctrines du brahmanisme et du bouddhisme et avec elles les principaux monuments de la littérature hindoue. » Tout vestige de cet art indo-chinois a disparu, et la littérature ainsi que l’art n’existent, aujourd’hui, que dans l’imagination et la vanité du Coréen.

Comme nous l’avons dit ailleurs, la Corée, au commencement de l’ère chrétienne, était peuplée d’une population sauvage. Au ive siècle, arrivèrent les bonzes bouddhistes, qui ont su constituer les trois royaumes de Korai, Hiaksai et Shinrai. En l’année 384 A. D., un bonze thibétain, Maranauda, établit dans le sud (Hiaksai) des temples et des monastères où les femmes furent admises aussi bien que les hommes. Shinrai, il paraît fut colonisé plus tard, au vie siècle, par les bonzes chinois, et sa capitale, Kion-Tchou, devint un foyer de civilisation éclairée, dont les temples, en ruines aujourd’hui, attestent seuls l’existence. Du ive siècle jusqu’au xive il y a eu une période de véritable civilisation qui a pris racine dans ces trois royaumes. Le grand empereur, Koublai-Khân, qui a conquis le pays, s’est fait disciple du Maitreya Bodhisattva, et l’historien de la dynastie de Yuen dit :

« Koublai-Khân, en devenant souverain d’un pays sauvage et d’une grande étendue, et d’un peuple intraitable et querelleur, désirait donner à ces déserts natifs un aspect civilisé et amollir la sauvagerie naturelle de ses sujets, organiser des villes sur le modèle chinois, nommer des mandarins de tout grade et soumettre le peuple au régime d’un instructeur commun. »

Pour des raisons difficiles à approfondir, la philosophie de Confucius avait repris faveur en Chine ; l’émigration des bonzes indiens était arrêtée, et, privé ainsi de la source qui lui avait donné la vie, à la fin du xive siècle, le bouddhisme mourut en Corée.