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Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/161

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— « Et, » dit-il, « tu n’as point de peur, étant près de moi et sus ma terre où nul n’ose bouter le pied ? »

— « On n’eut, » dit-elle, « oncques peur en la race des de Heurne. »

— « Tu es, » dit-il, « brave damoiselle. »

— « Je suis, » dit-elle, « fille de Roel le Preux, Sire de Heurne. »

Il ne répondit mot et ils marchèrent aucun temps sans parler.

Soudain il, levant la tête orgueilleusement, dit « Suis-je point bien l’Invincible, le Beau, le Fort ? Ne le serai-je point toujours ? Oui, car tout vient en aide à mon heur victorieux. Au temps jadis, il m’était besoin, par froid, neige et vent emmi les ténèbres, de chanter pour appeler les vierges, et présentement, la plus gente, noble et belle, est au clair jour venue sans par chanson être appelée : fier signe de croissante puissance. Quel est mon pareil ? Nul fors Dieu. Il a ciel, j’ai terre, et sus tout ce qui vit, force et triomphe. Que me viennent armées, foudres, tonnerres, tempêtes, quel pourra contre moi ? »

« Moi ! » répondirent à son laid blasphème sept voix parlant ensemblement.

Ces voix étaient l’écho des Sept géants, lequel ren-