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Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/171

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tête est mienne, il ne lui chault de tes prières : a doncques, petite vilaine, trousse tes guenilles et t’en reva d’où tu viens. »

Et la fillette s’en fut, ainsi que les autres vierges, vers le parfond du bois.

Lors il bouta la main en la poitrine du Méchant et en tira un cœur de pierre ; puis de son aigre voix qui sifflait comme vipères et sonnait comme milliasses de cailloux sous le pas ferré d’un soudard, il dit : « Cœur d’ambitieux, cœur de pierre, tu fus de ton vivant couard, et pour ce cruel ; tu ne te pus contenter des suffisants biens que Dieu t’avait en sa divine bonté baillés, tu n’eus oncques ambition de bonté, courage ne justice, mais d’or, puissance et honneurs vains ; tu n’aimas rien, ne père, ne mère, ne frère, ne sœur, et ainsi eusses tu pour, à plus grande force parvenir et plus haut commandement, occis tous ceux du pays de Flandres, sans vergogne : adoncques t’appliquas tu à meurtrir les faibles, suçant ta vie hors leur vie et ton sang hors leur sang. Ainsi fait et fera toujours cette orde vermine de laids ambitieux. Béni soit Dieu qui, par les mains de cette vierge faible et mignonne, t’a détranché le col du corps et ôté du monde. »

Ainsi qu’il parlait il avait jeté le cœur en la neige et,