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Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/196

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seigneur ; quant à ce qui est de nous, nous nous éjouirons tous de te voir présent en nos demeures, car, emmi les accoutumées laides et viles faces de conquérants, fourbes, pillards, voleurs et assassinateurs, ce nous sera baume de considérer la trogne honnête d’un joyeux forgeron comme tu es. »

— « Seigneur diable, » dit Smetse, « je ne mérite point tant d’honneurs. Je crois bien, d’après vos nobles propos, qu’il fait bon chez vous, mais j’y serais mal à ma place, je vous l’affie, étant, ès compagnie de gens étranges, farouche naturellement ; puis, je n’apporterais chez vous nulle joye et ne chanterais point, c’est vérité, adoncques auriez-vous de moi chétif ébaudissement, je le connais d’avance. Ha, rendez-moi plutôt ma belle forge et mes chalands anciens, et tenez-moi quitte ; ce serait acte de diable royal et qui vous siérait bien. »

Soudain la voix parla avec colère : « Forgeron, » dit-elle, « nous veux-tu payer en monnaie de singe ? La vie ne t’est viable, la mort t’est odieuse, et tu veux de gratis sept pleines, riches et joyeuses années que je t’offre présentement. Accepte ou refuse, la forge à toi, ton âme à nous, aux conditions que j’ai dites. »

— « Las ! » dit Smetse, « je le veux, puisqu’il le faut, seigneur diable. »