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Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/198

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était au quai aux Oignons ; et il se dit : « Serait-ce point ma forge ? » et il courut plus vitement.

Venu sus le quai, il le vit éclairé comme par un soleil, depuis le pavement jusques à la ramure des arbres le bordant, et il se dit : « C’est ma forge. »

Lors il fut de joie saisi, les jambes lui faillirent et le souffle manqua ; toutefois, il courut comme il put, arriva devant sa maison, vit sa forge ouverte comme en plein jour, et au fond un beau, grand et clair feu.

Ne se pouvant tenir à ce spectacle, il commença danser, sauter et s’éclaffer de rire, s’écriant : « J’ai ma forge, ma vraie forge ! Gand est à moi ! » Puis il entra. Inspectant, considérant, touchant tout, il vit sus le solier, classé en bel ordre, fer de toutes sortes : fer à cuirasses, fer à barres, fer à charrues. « Par Artevelde ! » dit-il, « le diable n’a point menti ! » Et il prit une barre et l’ayant rougie au feu, ce qui fut fait promptement, il la bat, faisant sonner comme cent tonnerres le marteau sus l’enclume et disant : « Ha, je tiens donc de rechef mes bons utils et j’entends cette joyeuse musique que je n’avais depuis un temps si long ouïe ! » Et cependant qu’il s’essuyait une larme joyeuse, laquelle baignait son œil d’une eau inaccoutumée, il vit sus un coffre une belle pinte d’étain et à côté de la pinte un beau gobelet, et il se versa de la pinte plein le gobelet,