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Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/215

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et bien misérable, il se venait à chacun jour bouter sus le quai, considérant de là le beau feu qui brûlait en la forge du bon forgeron, et, ce faisant, semblait confit en ahurissement et bêterie comme hibou qui regarde un patar. Smetse, le sachant besoigneux, lui dépêcha divers chalands pour le faire subsister, et aussi maints secours en argent. Mais non obstant qu’il payât ainsi le mal en bien, il n’en était plus joyeux, songeant aux sept ans.

La femme de Smetse, se voyant tant riche, achetait pour les cuire, à chacun, dimanche cuisses de gras mouton, oies, chapons, dindes et autres bonnes viandes ; conviait à la mangeaille ses parents, amis et manouvriers, et c’était alors beau festin bien arrosé de double bruinbier. Mais Smetse mangeant et buvant comme empereur n’était point joyeux songeant aux sept ans. Et la fumée des viandes rôtissantes s’épandait sus le quai aux Oignons tant friande, succulente et embaumant l’air, que tous les chiens vaguant de coutume en la ville s’arrêtaient humant l’odeur devant la maison, et là sus leur séant, le nez en l’air, attendaient les miettes : et les gueux, lesquels étaient en grand nombre, y vinrent pareillement et voulurent chasser les chiens. Dont advinrent furieuses batailles, èsquelles aucuns furent mordus vilainement. Voyant ce, la