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Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/224

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vient prêcher raison ! Mais fus-tu fol ou sage, Smetse, ôtant comme tu le fis ton couvre-chef à ces gueux qui vinrent céans semer leurs poux ; me baillant à moi, ta femme, leur baudet à garder ; remplissant ses paniers de notre meilleur pain, bruinbier et jambon : cheyant à genoux devant eux, pour en être béni, et les traitant comme archiducs de monseigneur, madame et monsieur, à pleine gueule ? »

À ce propos, Smetse vit assez que les seigneurs voyagiers ne s’étaient voulus découvrir qu’à lui : « Femme, » dit-il, « il ne me faut interroger davantage, car je ne te puis rien narrer de ce cas mystérieux qu’il ne t’est donné de comprendre. »

— « Las ! » dit-elle, « c’est donc pis que folie, c’est mystère. Tu ne fais point bien te cachant ainsi de moi, Smetse, car j’ai toujours vécu céans fidèle à toi ; gardant ton honneur, ménageant ton bien, ne prêtant et n’empruntant jamais, tenant ma langue en la compagnie des commères, cuidant miens tous tes secrets et n’en soufflant mot à nulluy. »

— « Je le sais, » dit Smetse, « tu fus toujours brave et bonne femme. »

— « Comment, » dit-elle, « sachant ce, n’as-tu fiance en moi davantage ? Ha, mon homme, ceci me peine ; dis-moi le secret, je le saurai garder, je l’affie. »