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Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/286

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« est-ce ainsi que tu accueilles et festoies ton pauvre mari, après le temps si long qu’il passa loin de toi ? Las ! as-tu perdu la souvenance de notre vieille union et amitié ? »

Ouyant cette voix qui était douce et joyeuse, la femme répondit bien bassement et timidement :

— « Non, Monsieur le trépassé. »

— « Adoncques, » dit-il, « pourquoi avoir si grande frayeur ? Ne reconnais-tu point de ton homme la trogne grasse, la panse ronde et la voix qui chantait céans naguères si voulentiers ? »

— « Si, » dit-elle. « je les reconnais bien. »

— « Et pourquoi, » dit-il, « n’oses-tu, me reconnaissant, venir à moi et me toucher ? »

— « Ha, » dit-elle, « je n’oserais, Monsieur, car on dit que chacun membre que touche un trépassé est membre mort. »

— « Viens, femme, » dit le forgeron, « et ne crois du tout à ces menteries. »

— « Smetse, » dit-elle, « ne me ferez-vous vraiment nul mal ? »

— « Nul, » dit-il, et il lui prit la main.

— « Ha, » dit-elle soudain, « mon pauvre homme, tu as froid et soif et faim assurément ? »

— « Oui, » dit-il.