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Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/34

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sans m’en payer la moindre piécette d’or, d’argent, voire même de cuivre. Ce n’est point là conduite d’honnête diable. »

— « Ha, dit Cartuyvels, vous errez grandement et n’entendez rien à votre bien. Mais, si vous me voulez entendre, vous tirerez dudit Bacchus profit manifeste, car il est dieu des joyeux buveurs et bons hôteliers, et il vous veut avantager, je crois. »

— « Adoncques que nous faut-il de présent faire, interrogea Blaeskaek ? »

— « J’ai ouï dire que ce diable est fol enamouré de soleil. Tirez-le premièrement de cette noire cave, puis le mettez en un lieu où luise le jour, j’entends dire sus un haut bahut en la salle où sont vos buveurs. »

— « Doux Jésus, s’exclama Pieter Gans, telle manière de faire est idololâtrie. »

— « Point, dit le coquassier, j’entends seulement que placé où j’ai dit, humant l’odeur des pintes et flacons et ouyant propos joyeux, il en sera ébaudi tout-à-fait. — Et ainsi soulagerez-vous les pauvres morts chrétiennement. »

— « Mais si, dit Pieter Gans, l’ecclésiastique sent le vent de cette statue ainsi montrée à tous sans vergogne ? »

— « Il ne vous pourra charger de péché, car innocence ne se cèle point. Même vous ferez contempler ce