Aller au contenu

Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/75

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 47 —

délice de le souffrir pour vous. Ce nonobstant l’époux charnel ne laisse pas en danger l’épouse, ne le fiancé la fiancée. N’êtes-vous point meilleur qu’eux tous, et ne nous garderez-vous point des embûches de l’ennemi ? S’il vous déplaît, ne le faites, mais pour lors on nous pourrait un jour prendre notre virginité qui est à vous. Ah ! plutôt, doux aimé, faites-nous toute cette vie passer étant vieilles, laides, lépreuses, puis en enfer descendre au milieu des diables, flammes et soufre, pour là attendre que vous nous jugiez pures assez et enfin nous recevoir en votre Paradis, où il nous sera permis vous contempler et aimer éternellement. Ayez de nous pitié. Amen. »

Et ayant ainsi parlé, ploura la pauvre cadette et ses sœurs comme elle, redisant : « Pitié, Jésus, pitié. »

Soudain elles ouïrent une douce voix disant : « Prenez confiance. — Ha, » dirent-elles, « voici l’époux qui daigne parler aux épouses. »

Et fut la chambre emplie d’un parfum plus doux que celui de cassolette vaporant le plus fin encens.

Puis la voix parla encore : « Quittez, » dit-elle, « demain au jour levé, la ville. Montez vos haquenées et toujours chevauchant, allez devant vous sans souci du chemin. Je vous garde. »