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Page:Charles Lavigerie - L’Esclavage africain. Conférence sur l’esclavage dans le Haut-Congo faite à Sainte-Gudule de Bruxelles.djvu/34

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C’est maintenant que je m’adresse à vous, jeunes gens qui voudrez entrer dans cette croisade. Pour assurer l’exécution d’une telle mesure et imposer ainsi la paix, le Gouvernement du Congo a besoin d’une force qui l’appuie, non pour verser le sang, comme vous venez de le voir, mais, au contraire, pour l’arrêter. Il ne peut pas espérer que les esclavagistes arabes ou métis, que les nègres qu’ils entraînent obéissent à sa loi et se désarment d’eux-mêmes. Il faut à côté d’eux une force qui leur inspire enfin la crainte et les fasse obéir.

Si les troupes belges pouvaient légalement être envoyées au Congo, elles suffiraient à ce rôle.

Mais votre constitution l’interdit et on ne peut espérer y avoir d’autres Européens que des volontaires. Il faut donc qu’il se trouve parmi vous des chrétiens vaillants, prêts à tout sacrifier, même la vie, pour arrêter ce sang qui coule à flots. Il faut que par amour de l’humanité, ils renoncent aux joies de la famille, de la patrie, de leur Belgique, pour aller au nom de leur Dieu faire cesser tant et de si affreuses misères.

Où les demanderai-je avec plus de confiance que dans ce pays de la générosité chrétienne[1] ? Je n’ai point, en effet, de compensations humaines à leur offrir, ni dignités, ni honneurs, ni richesses, mais seulement la récompense que Dieu réserve à ceux qui ont tout sacrifié pour leurs frères ; à savoir : la joie ineffable d’avoir sauvé la vie de son semblable aux dépens de sa propre vie. En sauver un seul, c’est déjà mériter cette pure joie, mais en arracher des millions à une telle mort, que ne serait-ce pas ! surtout au moment de finir !

Ces héros, je n’en demande du reste en ce moment qu’un petit nombre, cent suffisent pour délivrer les provinces du Haut-Congo. Les contrées qu’il faut préserver, à côté du Manyéma et du Tanganika, envoient en ce moment tous leurs esclaves aux rives

  1. On connaît la parole de saint François-Xavier écrivant à saint Ignace et lui demandant des missionnaires pour ses missions périlleuses : Da mihi Belgas ! Envoyez-moi des Belges, disait-il.