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Ce que propose le Manifeste, ce n’est pas la méthode de révolution d’une classe sûre d’elle-même et dont l’heure est enfin venue : c’est l’expédient de Révolution d’une classe impatiente et faible, qui veut brusquer par artifice la marche des choses.

Aussi bien, au bout de cet effort paradoxal, après cette sorte de détournement prolétarien de la Révolution bourgeoise, ce n’est pas une pleine victoire du prolétariat et du communisme que Marx entrevoit : c’est un régime singulièrement mêlé de propriété capitaliste et de communisme, de violence à la propriété et d’organisation du crédit. Chose singulière ! Après avoir constaté que c’est l’évolution de l’industrie et la croissance du prolétariat industriel qui créent une force révolutionnaire, le Manifeste ne prévoit d’abord, dans le programme immédiat de la révolution communiste victorieuse, que l’expropriation de la rente foncière. Il rétrograde au delà de Babeuf, dont la gloire est d’avoir fait entrer la production industrielle aussi bien que la production agricole dans le plan communiste. Il recule presque jusqu’à Saint-Just, qui semble avoir prévu la possibilité pour la nation d’absorber les fermages. « Nous avons vu plus haut, dit Marx, que la première démarche de la révolution ouvrière serait de constituer le prolétariat en classe régnante, de conquérir le régime démocratique.