Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/595

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


PROPRIÉTÉ INDIVIDUELLE
ET SOCIÉTÉS ANONYMES


Avec les sociétés anonymes par actions tout lien personnel entre le propriétaire et l’objet de sa propriété disparaît. Ou du moins ce lien devient infiniment lâche. Ce n’est que d’une façon indirecte et lointaine que les actionnaires, propriétaires de l’entreprise, interviennent dans son fonctionnement. Ils nomment, ou du moins ils peuvent nommer les administrateurs qui la dirigent ; mais même s’ils participent, une fois l’an, aux assemblées générales d’actionnaires, quelle distance entre le contrôle périodique et lointain et l’acte permanent de propriété que fait le paysan propriétaire ou l’industriel qui possède et dirige une usine !

En fait, bien souvent, les actionnaires ne connaissent à aucun degré le fonctionnement réel de l’entreprise possédée par eux. Ils ne l’ont jamais vue fonctionner. Ils en ignorent le mécanisme technique et économique. Ils n’en savent ou ils n’en demandent qu’une chose : que rapporte-t-elle ? Quel en est le dividende ? Quelle en est l’allure sur le marché des valeurs ? C’est à travers le papier mort du compte rendu administratif qu’ils l’aperçoivent.