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Page:Charrière - Caliste ou lettres écrites de Lausanne, 1845.djvu/275

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« Je recommence une nouvelle lettre qui partira le 11 ou le 14. Je suis toujours en compte ouvert de cette manière avec vous. C’est pour moi le seul moyen de supporter notre éloignement. »

Adressez « A monsieur monsieur le baron de Constant, gentilhomme à la cour de S. A. S. monseigneur le duc régnant. A Brunswick. »


On croit que cette longue lettre est finie ; elle ne l’est pas encore. Benjamin Constant trouve moyen d’y ajouter de plus, aux marges, je l’ai dit, et aux moindres angles du papier, des post-scriptum de tous genres ; sur les feuilles politiques de madame de Charrière qu’il attend, sur la confiance presque absolue qu’elle peut avoir que les lettres ne seront pas ouvertes à la poste. Mais de tous ces post-scriptum, on ne saurait omettre celui-ci à cause de son extrême importance : « Flore a soutenu le voyage on ne peut pas mieux ; elle n’a point encore accouché, mais son terme avance. Dites-le à Jaman. Je garderai celui de ses petits qui ressemblera le plus à ce digne chien, et je ne négligerai rien pour lui donner la noble insolence de son père. »


Certes, une telle lettre, dans toute son étendue, est, à mon sens, le meilleur témoignage qu’Adolphe, quoi qu’on puisse dire, a été sensible, qu’il aurait pu l’être, qu’il était surtout parfaitement aimable et presque bon quand il s’oubliait et se laissait aller à la nature. Une telle lettre doit lui faire beaucoup pardonner.

Le post-scriptum précédent a tellement sa gravité, qu’il se rattache au début de la prochaine lettre ; il faut se donner encore pendant quelque espace l’entier spectacle de cette libre pensée qui court, qui s’ébat, qui se prend à tout sujet, qui a en un mot tout le mouvement varié d’une intime conversation. Avoir entendu causer Benjamin Con-