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Page:Charrière - Caliste ou lettres écrites de Lausanne, 1845.djvu/341

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sûrement pas d’un Suisse, c’est trop français pour cela. C’est en Hollande, à ce que je crois, qu’on apprend le mieux notre langue. Quel est donc le confrère[1] que votre réflexion vous empêche de nommer ? Je cherche à le deviner, et dans mes essais je trouve trop pour votre modestie et trop peu pour mon opinion.

Adieu, madame ; j’attends Mistriss Henley avec beaucoup d’impatience, et je demande avec instance à M. de Charrière de me faire un moment ce sacrifice.




III.


Nion, 23 octobre (1793).

Comment se fait-il que je ne vous aie pas écrit plus tôt, quoique j’aie lu si vite et si bien le charmant roman de Mistriss Henley ? C’est que je meurs depuis un mois de tous les genres d’inquiétudes. Il en est une qui a cessé par le plus atroce malheur. Mais un de mes amis a été arrêté ; j’ai envoyé à Paris pour savoir de ses nouvelles, et ce n’est que depuis hier que j’ai la certitude de sa liberté. — Cette mistriss Henley se meurt du dégoût de la vie, de vains efforts pour s’attacher à toutes les idées douces repoussées par tous les sentiments froids. Son malheur est analysé avec une finesse d’esprit et de cœur étonnante ; mais aujourd’hui tout est si fort, si violent, si terrible, qu’on n’appelle douleur que les tourments de la roue. Je les sens un moment suspendus quand je vous lis. — Je voudrais que vous écrivissiez sans cesse, chaque ligne serait un soulagement pour tout ce qui sait sentir. — J’ai reçu une lettre de cette pauvre madame de La Fayette, qui, à travers les Jacobins qui l’emprisonnent aussi, a trouvé le moyen de me parler de la liberté de

  1. Ou compère ?