Aller au contenu

Page:Chartier - La Belle Dame sans merci, 1901, éd. Charpennes.djvu/61

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


De parler souvent s’efforça,
Se crainte ne l’eut destourné,
Mais en la fin son cœur força
Quant il eut assez séjourné.
Puis s’est vers sa Dame tourné,
Et dit bas en pleurant adoncques :
« Mal jour fut pour moi adjourné,
Ma Dame, quant je vous vis oncques,

Je souffre mal ardant et chault,
Dont je meurs pour vous bien vouloir.
Toutefois il ne vous en chault,
J’eusse bien cause de douloir ;
Mais je vois trop qu’en nonchaloir
Le mettez quant je vous le compte,
Et si n’en pouvez moins valoir
N’avoir moins honneur ne plus honte.

Hélas ! je vous grieve, ma Dame,
S’un franc cœur d’homme vous veut bien,
Et se par honneur et sans blasme
Je suis vostre et vostre me tien ?
De droit je n’y chalenge rien,
Car ma voulenté s’est soumise
A vostre gré, non pas au mien,
Pour plus asservir ma franchise.