Aller au contenu

Page:Chartier - La Belle Dame sans merci, 1901, éd. Charpennes.djvu/94

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je t’ai longtemps tenu des miens
Pour aucuns bien qu’en toi avoyes,
Et te gardoye de grans biens
Trop phis que tu ne desservoyes.
Et quant ta loyauté dévoyés
Vers moi garder en tous endrois,
Tu fais, et escris, et envoyés
Nouveaux livres contre mes drois !

Es-tu fol, hors du sens, ou ivre,
Ou veux contre moi guerre prendre,
Qui as fait le malheureux livre
Dont chacun te devroit reprendre,
Pour enseigner et pour apprendre
Les Dames à jeter au loin
Pitié la débonnaire et tendre
De qui tout le monde a besoin ?

Se tu as ta melencolie
Prise de non aimer jamais
Doivent acheter ta folie
Les autres qui n’en peuvent mais ?
Laisse faire autrui, et te tais.
Que de dueil ait le cœur noirci
Qui ja croira comme tu fais
Qu’oncques Dame fut sans merci.