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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t6.djvu/123

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

personne raisonnable qui m’aurait voulu dire : « Il faut bien que j’amuse mon grand-papa. »

« Chateaubriand, s’écria le roi, je ne vous ai pas vu hier ? — Sire, j’ai été averti trop tard que Votre Majesté m’avait fait l’honneur de me nommer de son dîner : ensuite, c’était le dimanche de la Pentecôte, jour où il ne m’est pas permis de voir Votre Majesté. — Comment cela ? dit le roi. — Sire, ce fut le jour de la Pentecôte, il y a neuf ans, que, me présentant pour vous faire ma cour, on me défendit votre porte. »

Charles X parut ému : « On ne vous chassera pas du château de Prague. — Non, sire, car je ne vois pas ici ces bons serviteurs qui m’éconduisirent au jour de la prospérité. » Le whist commença et la journée finit.

Après la partie, je rendis au duc de Blacas la visite qu’il m’avait faite. « Le roi, me dit-il, m’a prévenu que nous causerions. » Je lui répondis que le roi n’ayant pas jugé à propos de convoquer son conseil devant lequel j’aurais pu développer mes idées sur l’avenir de la France et la majorité du duc de Bordeaux, je n’avais plus rien à dire. « Sa Majesté n’a point de conseil, repartit le duc de Blacas avec un rire chevrotant et des yeux tout contents de lui, il n’a que moi, absolument que moi. »

Le grand-maître de la garde-robe a la plus haute idée de lui-même : maladie Française. À l’entendre, il fait tout, il peut tout ; il a marié la duchesse de Berry ; il dispose des rois ; il mène Metternich par le bout du nez ; il tient Nesselrode au collet ; il règne en Italie ; il a gravé son nom sur un obélisque à Rome ;