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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t6.djvu/289

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

pureté de lignes : un de ces monts ressemblait à la principale pyramide de Saccarah, lorsqu’elle s’imprime au soleil tombant sur l’horizon de la Libye.

Je continuai mon voyage la nuit par Rovigo ; une nappe de brouillard couvrait la terre. Je ne vis le Pô qu’au passage de Lagoscuro. La voiture s’arrêta ; le postillon appela le bac avec sa trompe. Le silence était complet ; seulement, de l’autre côté du fleuve, le hurlement d’un chien et les cascades lointaines d’un triple écho répondaient à son cor ; avant-scène de l’empire élyséen du Tasse dans lequel nous allions entrer.

Un froissement sur l’eau, à travers le brouillard et l’ombre, annonça le bac ; il glissait le long de la cordelle soutenue sur des bateaux à l’ancre. Entre les quatre et cinq heures du matin, j’arrivai le 16 à Ferrare ; je descendis à l’hôtel des Trois Couronnes ; Madame y était attendue.

Mercredi 17.

Son Altesse Royale n’étant point arrivée, je visitai l’église de Saint-Paul : je n’y ai vu que des tombes ; du reste, pas une âme, hormis celles de quelques morts et la mienne qui ne vit guère. Au fond du chœur pendait un tableau du Guerchin.

La cathédrale est trompeuse : vous apercevez un front et des flancs où s’incrustent des bas-reliefs à sujets sacrés et profanes. Sur cet extérieur règnent encore d’autres ornements placés d’ordinaire à l’intérieur des édifices gothiques, comme rudentures, modillons arabes, soffites à nimbe, galeries à colonnettes, à ogives, à trèfles, ménagées dans l’épaisseur des murs. Vous entrez, et vous restez ébahi à la vue