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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t6.djvu/298

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

« Je pleure le mourir ; je ne pleure pas seulement le mourir, mais la manière dont je meurs… Ce sera un secours d’avoir la tombe à celui qui croyait élever d’autres monuments par ses vers. »

Lord Byron a composé un poème des Lamentations du Tasse ; mais il ne se peut quitter, et se substitue partout aux personnages qu’il met en scène ; comme son génie manque de tendresse, ses lamentations ne sont que des imprécations.

Le Tasse adressa au Conseil des anciens de Bergame cette supplique :

« Torquato Tasso, Bergamasque non-seulement d’origine, mais d’affection, ayant d’abord perdu l’héritage de son père, la dot de sa mère… et (après le servage de beaucoup d’années et les fatigues d’un temps bien long) n’ayant encore jamais perdu au milieu de tant de misères la foi qu’il a dans cette cité (Bergame), ose lui demander assistance. Qu’elle conjure le duc de Ferrare, jadis mon protecteur et mon bienfaiteur, de me rendre à ma patrie, à mes parents et à moi-même. L’infortuné Tasso supplie donc vos seigneuries (les magistrats de Bergame) d’envoyer monseigneur Licino ou quelque autre pour traiter de ma délivrance. La mémoire de leur bienfait ne finira qu’après ma vie. Di VV. SS. affezionatissimo servidore, Torquato Tasso, prigione e infermo nel ospedal di Sant’ Anna in Ferrara. »

On refusait au Tasse de l’encre, des plumes, du papier. Il avait chanté le magnanime Alphonse, et le magnanime Alphonse plongeait au fond d’une loge d’aliéné celui qui répandit sur sa tête ingrate un éclat impérissable. Dans un sonnet plein de grâce, le