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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t6.djvu/335

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

et d’un songe évanoui, restent vivantes entre la terre et le ciel, et habitent à la fois leur double patrie. « Le beau paradis n’aurait pas ses grâces complètes si tu n’y étais, » dit un troubadour à sa maîtresse absente par la mort.

Padoue, 20 septembre 1833.

L’histoire est encore venue étrangler le roman. J’achevais à peine de lire à l’Étoile d’or la défense de Zanze, que M. de Saint-Priest entre dans ma chambre en disant : « Voici du nouveau. » Une lettre de Son Altesse Royale nous apprenait que le gouverneur du royaume lombard-vénitien s’était présenté au Catajo et qu’il avait annoncé à la princesse l’impossibilité où il se trouvait de la laisser continuer son voyage. Madame désirait mon départ immédiat.

Dans ce moment un aide de camp du gouverneur frappe à ma porte et me demande s’il me convient de recevoir son général. Pour toute réponse, je me rends à l’appartement de Son Excellence, descendue comme moi à l’Étoile d’or.

C’était un excellent homme que le gouverneur.

« Imaginez-vous, monsieur le vicomte, me dit-il, que mes ordres contre madame la duchesse de Berry étaient du 28 août : Son Altesse Royale m’avait fait dire qu’elle avait des passe-ports d’une date postérieure et une lettre de mon empereur. Voilà que, le 17 de ce mois de septembre, je reçois au milieu de la nuit une estafette : une dépêche, datée du 15, de Vienne, m’enjoint d’exécuter les premiers ordres du 28 août, et de pas laisser s’avancer madame la duchesse de Berry au delà d’Udine ou