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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t6.djvu/442

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

madame de Staël, qui obtint sa nomination de Chénier, M. de Talleyrand, alors fort dénué, recommença cinq ou six fois sa fortune ; par le million qu’il reçut du Portugal dans l’espoir de la signature d’une paix avec le Directoire, paix qui ne fut jamais signée ; par l’achat des bons de la Belgique à la paix d’Amiens, laquelle il savait, lui, M. de Talleyrand, avant qu’elle fût connue du public ; par l’érection du royaume passager d’Étrurie ; par la sécularisation des propriétés ecclésiastiques d’Allemagne ; par le brocantage de ses opinions au congrès de Vienne. Il n’est pas jusqu’à de vieux papiers de nos archives que le prince n’ait voulu céder à l’Autriche ; dupe cette fois de M. de Metternich, celui-ci renvoya religieusement les originaux, après en avoir fait prendre copie.

Incapable d’écrire seul une phrase[1], M. de Talley-

    16 juillet 1797, en remplacement, de Charles Delacroix, père de l’illustre peintre Eugène Delacroix.

  1. Ici encore Chateaubriand pourrait bien avoir outré la sévérité. Sainte-Beuve, excellent juge en ces questions de talent et de style, quand la passion ne l’égare pas, dit dans ses Nouveaux Lundis (tome II, page 33) : « On a beaucoup dit que M. de Talleyrand ne faisait point lui-même les écrits qu’il signait, que c’était tantôt Panchaud pour les finances, Desrenaudes pour l’instruction publique, d’Hauterive ou La Besnardière pour la politique, qui étaient ses rédacteurs. En convenant qu’il doit y avoir du vrai, gardons-nous pourtant de nous faire un Talleyrand plus paresseux et moins lui-même qu’il ne l’était : il me paraît, à moi, tout à fait certain que les deux Mémoires lus à l’Institut en l’an V, si pleins de hautes vues finement exprimées, sont et ne peuvent être que du même esprit, j’allais dire de la même plume qui, plus de quarante ans après, dans un discours académique final, dans l’Éloge de Reinhard, traçait le triple portrait idéal du parfait ministre des affaires étrangères, du parfait directeur ou chef de division, du parfait consul ; et cette plume ne peut être que celle de M. de Talleyrand, quand il se soignait et se châtiait. » — Le jour où cet Éloge fut prononcé à l’Aca-