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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t6.djvu/515

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

LETTRE DE M. DE LA FERRONNAYS[1].

Saint-Pétersbourg, le 14 mai 1824.
« Monsieur le vicomte,

« Les observations que j’ai cru devoir vous soumettre et les renseignements que je suis dans le cas de vous donner aujourd’hui m’ont paru d’une nature assez délicate pour ne devoir être confiés qu’à une occasion parfaitement sûre. Les moyens de séduction que dans certaines circonstances le cabinet russe ne se fait aucun scrupule d’employer sont tels, qu’il est de la prudence de les croire irrésistibles, au moins pour ceux de nos courriers qui ne sont pas personnellement connus ; c’est ce qui m’a décidé à vous expédier M. de Lagrené[2], que je recommande à vos bontés. J’ai de plus la certitude que depuis longtemps mes chiffres sont connus du ministère impérial, et je dois, à cette occasion, vous prévenir que j’ai quelques raisons de craindre qu’ils ne lui aient été envoyés de Paris même. Lors-

  1. Voir, au tome IV, 298-299, les pages de Chateaubriand sur le comte de la Ferronnays (Livre IX de la Troisième Partie).
  2. Lagrené (Marie-Melchior-Joseph-Théodore de), né à Anvers le 14 mars 1800, mort à Paris le 26 avril 1862. Après avoir été attaché quelque temps (1822) au ministère des Affaires étrangères, sous Mathieu de Montmorency, il accompagna cet homme d’État au Congrès de Vérone et fut, l’année suivante, envoyé auprès de M. de La Ferronnays, ambassadeur en Russie. Après avoir été, de 1836 à 1843, ministre de France en Grèce, M. de Lagrené remplit en Chine, de 1843 à 1846, une mission qui fut couronnée du plus complet succès. Pair de France de 1846 à 1848, représentant de la Somme à l’Assemblée législative de 1849, il quitta définitivement les affaires au lendemain du coup d’État.