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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t6.djvu/522

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

devrions jouer, ni incertains sur le plan que nous aurions à suivre. Celui de l’Autriche et de l’Angleterre était clair et tout tracé, il a été suivi avec hardiesse et habileté. Ceux qui ont été chargés de le conduire ont été admirablement secondés par les circonstances dans lesquelles l’Europe s’est trouvée, par le caractère inerte de l’empereur, par les dispositions personnelles et les rapports particuliers de celui de ses ministres qui est resté investi de sa confiance après le départ du comte Capo d’Istria. Le renvoi de ce dernier a été la plus grande victoire qu’aient obtenue M. de Metternich et lord Londonderry ; le jour de son départ a été celui d’un vrai triomphe pour leurs ministres à Pétersbourg.

« De ce jour-là, en effet, la Russie a prononcé l’abandon de toute son influence dans le Levant, et lord Strangford[1] s’est trouvé à Constantinople pour hériter, au profit de son gouvernement, de l’immense sacrifice que la peur ou l’irrésolution venait d’arracher à l’empereur. Depuis lors, le rôle de cet ambassadeur n’a plus été qu’un jeu ; il a abusé d’une situation qu’il a due au hasard bien plus encore qu’à son habileté, avec une imprudence sans égale ; toutes ses notes, toutes ses prétendues conversations avec le Reis-Effendi[2], sont pleines de l’ironie la plus insultante pour la Russie. Mais il a prouvé du moins ce que l’on peut impunément oser

  1. Strangford (Parcy-Clinton-Sydney-Smith, vicomte de) lord Penhurst, né en 1780, mort en 1855. Ambassadeur d’Angleterre à Stockholm (1817), à Constantinople, de 1822 à 1825, époque à laquelle il devint ambassadeur à Saint-Pétersbourg.
  2. Titre donné en Turquie au ministre des Affaires étrangères.