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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t6.djvu/525

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

du général Pozzo. Sous ce rapport, la chose pourrait avoir de l’importance ; car si, par suite de l’affaire, il devait perdre sa place, il serait nécessaire de prévoir de bonne heure sur qui il nous conviendrait de jeter les yeux pour lui succéder, et d’autant plus que le choix serait aussi difficile à faire qu’il serait important pour nous.

« Vous n’ignorez pas, monsieur le vicomte, que depuis longtemps tous les efforts de M. de Metternich et du cabinet anglais tendent à renverser Pozzo ; il n’a pas en Russie une seule voix qui le soutienne, et le poste qu’il occupe est l’objet de tout ce qui a de l’ambition à Pétersbourg. La chute du comte Capo d’Istria a presque entraîné la sienne ; il a su se maintenir par sa propre habileté et par l’adresse avec laquelle il a toujours su persuader de l’importance du rôle qu’il joue à Paris ; ses rapports, rédigés avec art et infiniment d’esprit, intéressent l’empereur ; les lettres particulières, dans lesquelles l’ambassadeur se permet de donner des détails très étrangers aux affaires, amusent et font souvent le divertissement de ce monarque et de ses intimes.

« Depuis quelque temps, cependant, la faveur n’est plus la même. L’inutile voyage de Pozzo à Madrid a déjà porté une forte atteinte à son crédit : voici de plus ce qui vient d’arriver. L’ambassadeur d’Angleterre a reçu, par la poste, une lettre de M. Canning qui roule entièrement sur la situation de l’Espagne. Après avoir fait de ce malheureux pays la peinture la plus déplorable, M. Canning ajoute qu’elle est due presque entièrement aux intrigues du général Pozzo et au despotisme qu’il exerce au nom de son maître