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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t6.djvu/53

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

plein d’assurance la douane autrichienne. Une barrière abaissée ferme le chemin ; je descends avec Hyacinthe, dont le ruban rouge flamboyait. Un jeune douanier, armé d’un fusil, nous conduit au rez-de-chaussée d’une maison, dans une salle voûtée. Là, était assis à son bureau, comme à un tribunal, un gros et vieux chef de douaniers allemands ; cheveux roux, moustaches rousses, sourcils épais descendant en biais sur deux yeux verdâtres à moitié ouverts, l’air méchant ; mélange de l’espion de police de Vienne et du contrebandier de Bohême.

Il prend nos passe-ports sans dire mot ; le jeune douanier m’approche timidement une chaise, tandis que le chef, devant lequel il a l’air de trembler, examine les passe-ports. Je ne m’assieds pas et je vais regarder des pistolets accrochés au mur et une carabine placée dans l’angle de la salle ; elle me rappela le fusil avec lequel l’aga de l’isthme de Corinthe tira sur le paysan grec. Après cinq minutes de silence, l’Autrichien aboie deux ou trois mots que mon Bâlois traduisit ainsi : « Vous ne passerez pas. » Comment, je ne passerai pas, et pourquoi ?

L’explication commence :

« Votre signalement n’est pas sur le passe-port. — Mon passe-port est un passe-port des affaires étrangères. — Votre passe-port est vieux. — Il n’a pas un an de date ; il est légalement valide. — Il n’est pas visé à l’ambassade d’Autriche à Paris, — Vous vous trompez, il l’est. — Il n’a pas le timbre sec. — Oubli de l’ambassade ; vous voyez d’ailleurs le visa des autres légations étrangères. Je viens de traverser le canton de Bâle, le grand-duché de Bade, le royaume