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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t6.djvu/55

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

tout à l’interprète. Il se trouva que le visa était une explication des motifs qui ne lui permettaient pas de me laisser continuer ma route, de sorte que non seulement il m’était impossible d’aller à Prague, mais que mon passe-port était frappé de faux pour les autres lieux je pourrais me présenter. Je remontai en calèche, et je dis au postillon : « À Waldmünchen. »

Mon retour ne surprit point le maître de l’auberge. Il parlait un peu français, il me raconta que pareille chose était déjà arrivée ; des étrangers avaient été obligés de s’arrêter à Waldmünchen et d’envoyer leurs passe-ports à Munich au visa de la légation d’Autriche. Mon hôte, très brave homme, directeur de la poste aux lettres, se chargea de transmettre au grand burgrave[1] de Bohême[2] la lettre dont suit la copie :

« Waldmünchen, 21 mai 1833.
« Monsieur le gouverneur,

« Ayant l’honneur d’être connu personnellement de Sa Majesté l’empereur d’Autriche et de M. le prince de Metternich, j’avais cru pouvoir voyager dans les États autrichiens avec un passe-port qui, n’ayant pas une année de date, était encore légalement valide et lequel avait été visé par l’ambassadeur d’Au-

  1. Ici et plus loin. Chateaubriand écrit toujours : bourgrave.
  2. Le comte de Choteck, dont il sera parlé plus loin. Le marquis de Villeneuve en parle ainsi dans ses Mémoires sur Charles X en exil : « Son titre de grand burgrave peut s’assimiler aux fonctions de nos préfets, avec moins de surcharge dans les détails et de diversité dans les matières. Mais sa préfecture à lui était tout un royaume. Il administrait quatre millions d’habitants. Bien que sa fortune fût immense, il occupait un hôtel sans splendeur. Ses opinions politiques étaient fortement empreintes de libéralisme. »