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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t6.djvu/78

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

quelques collines, et s’évasent à l’entrée d’un plateau. De ce plateau le chemin plonge dans une vallée à lignes vagues, dont un hameau occupe le giron. Là prend naissance une longue montée qui mène à Duschnick, station de la poste et dernier relais. Bientôt, descendant vers un tertre opposé, à la cime duquel s’élève une croix, on découvre Prague aux deux bords de la Moldau. C’est dans cette ville que les fils aînés de saint Louis achèvent une vie d’exil, que l’héritier de leur race commence une vie de proscription, tandis que sa mère languit dans une forteresse sur le sol d’où il est chassé. Français ! la fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette, celle à qui vos pères ouvrirent les portes du Temple, vous l’avez envoyée à Prague ; vous n’avez pas voulu garder parmi vous ce monument unique de grandeur et de vertu ! Ô mon vieux roi, vous que je me plais, parce que vous êtes tombé, à appeler mon maître ! Ô jeune enfant, que j’ai le premier proclamé roi, que vais-je vous dire ? comment oserai-je me présenter devant vous, moi qui ne suis point banni, moi libre de retourner en France, libre de rendre mon dernier soupir à l’air qui enflamma ma poitrine lorsque je respirai pour la première fois, moi dont les os peuvent reposer dans la terre natale ! Captive de Blaye, je vais voir votre fils !