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Page:Chauveau - Charles Guérin, roman de mœurs canadiennes, 1853.djvu/221

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CHARLES GUÉRIN.

— Mais si vous pouviez payer dans deux mois, comme vous dites ? vous en auriez de reste.

— Je n’en ai pas le moindre doute. Tenez : voulez-vous que je vous dise, nous allons d’abord faire notre possible pour trouver de l’argent ; et puis, si nous n’en trouvons pas, ma foi, nous courrons notre chance. Il ne faut pas se casser la tête pour si peu de chose. Votre ami Voisin va se mettre en quête d’argent, et il est bien probable qu’il vous en procurera. Je lui ai donné quelques petites poursuites à intenter contre de pauvres diables que j’avais ménagés jusqu’à présent ; avec cela nous ferons une partie des fonds.

Dans tous les cas, si l’on procédait contre vous, ne soyez pas en peine ; j’y verrai à temps. Allons, bon courage, cher Monsieur, au revoir !

Et M. Wagnaër sortit brusquement, laissant son gendre en perspective tout étourdi de ce qu’il venait d’entendre.

— C’est toujours un excellent homme, se dit-il, réflexion faite, que ce M. Wagnaër. Franc et loyal dans ses procédés, un beau-père bonasse et généreux comme les beaux-pères des Vaudevilles, que j’ai lus dans la collection du théâtre français. C’est bien le même type. Et dire que nous avions des préjugés contre ce brave homme !

Puis, se frappant le front… quand on songe que je n’ai pas même pensé aux recommandations de Clorinde ! C’est un bonheur après tout, car lui demander sa fille dans un pareil moment ; qu’aurait-il pensé de moi ? D’ailleurs, c’est entendu… il me traite évidemment de beau-père à gendre.

Le lendemain au bal de Madame Norton, Clorinde fut bien triste. Charles lui dit qu’il avait vu M. Wagnaër, mais qu’il n’avait osé lui parler de rien. Il ajouta que, puisqu’il avait été lui faire sa première visite, il y avait tout lieu d’espérer un succès complet, et que la partie pour différée n’était point perdue. Clorinde ne répondit rien. Quelques jours plus tard, elle laissait Québec avec son père.