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Page:Chauveau - Charles Guérin, roman de mœurs canadiennes, 1853.djvu/345

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CHARLES GUÉRIN.

Évidemment Marie interprétait à sa manière la visite de Charles ; mais elle prenait la chose du bon côté, et celui-ci ne fut nullement blessé, quoiqu’un peu surpris. Chaque seconde qui s’écoulait donnait raison à la jeune fille.

Il y a certains moments dans la vie où toutes vos irrésolutions et vos doutes tombent comme par enchantement, où l’on voit clairement ce que l’on doit faire, où la volonté est aussi rapide que la pensée. Charles eut un de ces momens.

Il n’eut point de grands efforts à faire, pour qu’on lui pardonnât son inconstance. Marie savait, à peu de chose près, ce qui s’était passé ; son amie de la ville l’avait tenue au courant, elle avait eu le temps de faire ses réflexions. D’ailleurs elle lui pardonna beaucoup parcequ’il avait beaucoup aimé, et qu’il semblait disposé à aimer encore davantage.

Les choses vont vite, lorsqu’elles se font avec un bon vouloir réciproque. Charles et Marie eurent bientôt convenu du temps où devait se faire un mariage qui réglerait toutes les difficultés du testament de M. Dumont, empêcherait ses biens de sortir de famille et rendrait plus indivis que jamais les trois tiers de sa succession.

Jacques Lebrun entra sur ces entrefaites. Il ne se remit pas au premier coup d’œil la figure de Charles ; cependant il n’avait pas oublié sa première visite et tout le chagrin qu’elle avait causé à sa fille bien aimée, car, il s’écria d’un air bourru : Quel est donc encore ce beau monsieur ?

— Souffrez, mon père, lui dit Marie, que je vous présente le neveu de mon défunt oncle.