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Page:Chavette - Les Petites Comédies du vice, 1890.djvu/186

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tout seul me prendre une brioche que je gobichonnerai à même ma poche.

Vous entendez d’ici l’énorme soupir de satisfaction poussé par Loulou en apprenant la modeste fantaisie de sa Niniche.

Quand ils furent en route, le dialogue suivant s’établit :

Niniche. — Tu n’as pas été très aimable tout à l’heure en parlant de mes « coûteuses inutilités » ! Moi qui fais tous mes efforts pour être une petite femme de ménage bien économe… Est-ce que tu trouveras beaucoup de maîtresses heureuses d’aller à pied et de manger une brioche d’un sou ? Il est vrai que cette vie-là me plaît car, si j’avais le moindre goût de luxe, je n’aurais qu’à écouter le baron Tosté… En voilà un qui m’offre autre chose qu’une brioche ! Allons, ne fais pas le jaloux, je t’ai dit que je ne peux pas le sentir. (Joyeuse.) Tra la la, oh ! je me fais une fête de ma bonne brioche bien chaude !

Loulou. — Tu es bien sûre, Niniche, que je te payerais cent brioches, si tu les désirais… Seulement, permets-moi un conseil : crois-tu que cette brioche ne te coupera pas l’appétit pour notre déjeuner à la Madeleine ?

Niniche. — C’est pourtant vrai ! Tiens, pour te prouver que je suis une femme économe, je renonce pour aujourd’hui à ma brioche, car il serait fou d’aller ensuite inutilement dépenser douze ou quinze francs pour regarder seulement les plats du déjeuner. Mais puisque j’empêche ces quinze francs d’être déboursés sans profit, tu me payeras, pour ma récompense, une théière en porcelaine