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Page:Chavette - Les Petites Comédies du vice, 1890.djvu/254

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méro 7, que j’occupais à mon début, jusqu’au numéro 1, qui touchait le comptoir ! Que voulez-vous ? monsieur, j’étais si exact que j’arrivais toujours une demi-heure après six abonnés aussi exacts que moi. Que d’adresse il me fallut pour les déposséder de ces six tables qui me séparaient de mon ange !

Le numéro 6 ne tint pas longtemps ; je me mis à couper du bouchon, et, les nerfs agacés, il quitta la place dont je m’emparai.

Six mois après, un hasard me débarrassa du numéro 5, qui était superstitieux. Le garçon brisa un verre et répandit le café sur cette table, que son propriétaire déserta tout craintif. Elle devint mienne.

En deux séances, j’eus raison du numéro 4, qui faisait un petit somme habituel après son repas. Je dansai si bien sur ma banquette, que ce trémoussement amena un tangage à tel point désagréable pour le dormeur qu’il alla porter ses habitudes dans une autre salle.

Le numéro 3 ne dura qu’un jour. La vue de mes tartines de beurre, noires de caviar, que je trempais dans mon café au lait, lui souleva si fort le cœur, qu’il n’eut que le temps bien juste de fuir cet épouvantable spectacle.

Le numéro 2 ! Oh ! le numéro 2 !! Je tremble encore quand j’y pense ! Je mis quatre ans à le déposséder ! Sans les regards de mon ange, qui encourageaient mes efforts à me rapprocher, j’aurais renoncé au numéro 2.

Mais, me direz-vous, pourquoi ne vous êtes-vous pas évité tant de peine en avançant votre déjeuner