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Page:Chavette - Les Petites Comédies du vice, 1890.djvu/77

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ma femme et moi nous sommes si complètement heureux que, pour un empire, je ne compromettrais pas un si fortuné destin.

Ce 12 mai 1862. — Je suis allé voir aujourd’hui mon vieil et intime ami Bidaut, ce modeste philosophe qui, content de ses mille écus de rente, s’est retiré à la campagne où il vit paisiblement avec sa femme… qui porte un peu les culottes. Nos dames sont également intimes.

— Qu’il ferait bon vivre ainsi, dans le calme des champs, avec de sincères et loyaux amis ! ai-je dit.

— Au fait, s’est écrié Bidaut, pourquoi n’achèterais-tu pas la bicoque en face de nous, de l’autre côté de la route ?

Puis, me prenant à part, il a ajouté :

— Et tu sais que tu ne ferais pas une mauvaise affaire. Vingt fois les gens du château ont offert au paysan de lui acheter sa masure et le jardin qui sont enclavés dans leur parc, mais notre homme abhorre les aristos, et aujourd’hui qu’il est gêné, au lieu de traiter avec eux, il préférera te donner sa chaumière pour un morceau de pain.

Nous avons été voir la maison. — Dix-sept cents francs !… c’est une misère ! — Pourquoi pas ? Ma femme et moi, nous sommes encore trop jeunes pour quitter les affaires, mais déjà assez âgés pour nous permettre un peu de repos. — Du samedi soir au lundi matin, nous serions là près de nos bons amis.

Nous aurions ainsi un pied-à-terre où nous viendrions nous reposer et boire une tasse de lait.