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Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/250

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d’une drogue ensorcelée : Herne tourna dans une rue étroite, à l’angle de laquelle pendait une lanterne de papier peint ; un peu plus bas dans ce sombre défilé luisait une autre lanterne, moins chinoise d’aspect. En s’approchant, il vit que c’était une sorte de cage de plomb, garnie de verres de couleurs, dont le grossier dessin représentait Saint François avec un Ange embrasé derrière lui. Ce transparent enfantin semblait en quelque sorte un symbole, un emblème de tout ce qu’il avait essayé de faire dans un grand ouvrage, comme Olive dans un tout petit, avec cependant une différence secrète et essentielle : la lumière venait de l’intérieur.

Cette grande soif de couleur qui avait rempli la vie de Herne parut tout à coup assouvie par ce signe banal dans ce lieu sordide, au point qu’il fut à peine surpris de se trouver en présence de la femme qui, dans ses rêves comme dans la tragédie, portait toujours la couronne. Une robe sombre et droite la couvrait de la tête aux pieds, et les cheveux roux ressemblaient toujours à un diadème.

Avec cette vivacité étrange et gauche qui lui était propre, Herne exprima en mots simples le fond de sa pensée :

— Vous êtes infirmière, vous n’êtes pas religieuse.

Elle sourit :

— Vous ne connaissez pas grand’chose à la vie religieuse, si vous pensez que c’est la fin naturelle d’une histoire — d’une histoire comme la nôtre. Croyez-moi, rien n’est plus faux que cette notion sentimentale qu’on embrasse la vie religieuse comme un pis-aller.

— Voulez-vous dire vraiment que…

— Je veux dire que je n’ai jamais cessé de penser qu’un jour je pourrais être votre pis-aller… Il me