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Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/43

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nissait un aliment à ses méditations, tandis qu’il traversait la pelouse en tapant du talon, et les mains profondément enfoncées dans ses poches. Oui, il y avait là une idée : il y a des hommes qui mesurent leur niveau en allant à Oxford ; ils découvrent en quoi leur éducation a été négligée, même s’ils continuent à la négliger. Mais il n’avait jamais vu tenter l’expérience sur une couche sociale aussi basse que le filon de charbon que représentait le syndicaliste. Murrel avait peine à se figurer quelqu’un d’aussi plongé, d’aussi buté dans sa démagogie que son ami Jack Braintree, apprenant peu à peu l’art de manier une cigarette et une tasse de thé, et celui de parler du Shakespeare roumain. Il savait qu’une réception de ce genre aurait lieu l’après-midi même ; mais Braintree y prenant part !

Cependant, s’étant décidé une bonne fois à voler au secours de la société et d’Olive Ashley, en exhibant le mineur illettré comme un ilote ivre, il se mit gravement à l’œuvre. C’était un trait caractéristique chez lui que cette gravité recouvrant le simple et profond plaisir de réaliser une bonne farce. La question de savoir aux dépens de qui la farce se jouerait n’était peut-être pas aussi simple.

Il se dirigea vers l’aile du bâtiment qui contenait le sanctuaire rarement violé de l’illustre Lord Seawood en personne. Il y demeura une heure, et en ressortit en souriant.

C’est par suite de ces manœuvres, dont il était complètement inconscient, que Braintree, ahuri, sa barbe et ses cheveux noirs semblant se hérisser de tous côtés tandis qu’il cherchait à s’orienter, se trouva, ce même après-midi, lâché dans le cercle de l’aristocratie intellectuelle qui devait compléter son éducation. Il avait certainement l’air mal dégrossi,