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Page:Chevalier - Les Pieds-Noirs, 1864.djvu/7

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LES
PIEDS-NOIRS


CHAPITRE PREMIER[1]

Kenneth Iverson


Un canot d’écorce remontait lentement la rivière Severn, vers le lac Ouinipeg. À la poupe du léger esquif se tenait un jeune homme dont l’air et l’attitude annonçaient un état de profonde méditation. Il était apparemment ou préoccupé par une pensée absorbante, ou perdu dans une de ces rêveries vagues et nuageuses, auxquelles est sujette la jeunesse, et qui n’abandonnent les natures poétiques qu’à une époque avancée de la vie, quand la réalité a remplacé la fiction, et quand les rudes leçons de l’expérience ont éteint les lueurs brillantes de l’imagination. Quoiqu’il n’eût pas dépassé de beaucoup l’âge de la minorité, ses traits avaient un certain cachet de maturité, imprimé par une précoce habitude de la réflexion ou par le contact du monde et de ses vicissitudes. Sa chevelure brune, bouclée, tombait sur un visage agréable, sa bouche était empreinte de délicatesse, de fermeté et de bienveillance. Il avait le front développé, les yeux grands, mélancoliques, le nez droit, bien dessiné. Une barbe naissante, brune et soyeuse ombrageait son menton. Sa taille unissait la force au prestige de la beauté masculine. Il portait un capot[2]

  1. La scène se passe dans l’Amérique septentrionale, entre les 50° et 55° de latitude, 95° et 100° de longitude.
  2. Sorte de longue houppelande, en étoffe ou en pelleterie, dont on se sert dans l’Amérique septentrionale.