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LES FEMMES DE LA COMMUNE

« Il y a plus de vingt ans, — c’est maintenant ma collaboratrice qui parle, — une institutrice qui eut longtemps une certaine réputation dans le quartier de la Bastille me présenta mademoiselle Louise de Mailly. C’est le nom que donnaient encore à Louise Michel ses amies d’enfance et les gens de son village ; elle le porta à Paris assez longtemps après la mort de son grand-père. Ces dames, catholiques pratiquantes, très charitables, plaignaient indistinctement toutes les misères. Louise y employait l’ardeur de dévouement qui l’a perdue. Je me sentis irrésistiblement entraînée vers ce cœur généreux, vers cet esprit orné, qu’un grain de folie rendait plus séduisant encore. Ce grain, devenu si énorme, est un héritage de famille. Son père et le frère de son père sont morts hypocondriaques et à peu près fous. Son grand-père vivait en savant du moyen âge, inspirant une certaine crainte aux paysans qui le croyaient bien un peu sorcier. Louise, née dans le château, y fut élevée par le vieillard comme une fille légitime. Le gentilhomme encyclopédiste et bizarre n’avait pas de préjugés. Il fit l’éducation de sa petite-fille par la lecture et par les conversations ; il la fit toucher à toutes choses, religions, sciences, philosophies, beaux-arts, mais toucher seulement, sans ordre ni réflexion. C’est au château de Mailly que Louise vit