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Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/292

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Lettre CLXXIV.

Le chevalier Danceny à madame de Rosemonde.

Vous avez raison, Madame, & sûrement je ne vous refuserai rien de ce qui dépendra de moi, & à quoi vous paraîtrez attacher quelque prix. Le paquet que j’ai l’honneur de vous adresser contient toutes les lettres de ademoiselle de Volanges. Si vous les lisez, vous ne verrez peut-être pas sans étonnement qu’on puisse réunir tant d’ingénuité & tant de perfidie. C’est, au moins, ce qui m’a le plus frappé dans la dernière lecture que je viens d’en faire.

Mais, peut-on surtout se défendre de la plus vive indignation contre madame de Merteuil, quand on se rappelle avec quel affreux plaisir elle a mis tous ses soins à abuser de tant d’innocence & de candeur !

Non, je n’ai plus d’amour. Je ne conserve rien d’un sentiment si indignement trahi ; & ce n’est pas lui qui me fait chercher à justifier mademoiselle de Volanges. Mais cependant, ce cœur si simple, ce caractère si doux & si facile, ne se seraient-ils pas portés au bien, plus aisément encore qu’ils ne se sont laissés entraîner vers le mal ? Quelle autre jeune personne, sortant de même du couvent, sans expérience & presque sans idées, & ne portant dans le monde, comme il arrive presque toujours alors qu’une égale ignorance du bien & du