ſent pas toujours pour les plus chaſtes, je ne
doute point de ton honnêteté : néanmoins je
crains pour ta vertu, ſi nous ne trouvons l’un
& l’autre le moyen de la mettre à l’épreuve de
toutes les foibleſſes qui pourroient en ternir l’éclat.
Eh quoi ! mon cœur, lui dis-je, d’où vous
peuvent venir ces craintes ſi ſubites ? quel fondement
avez-vous de vous allarmer de la ſorte ?
Je ne veux néanmoins, pourſuivis-je, pas vous
détourner de votre deſſein. Je ſouhaite, me dit-il,
de te faire prendre la ceinture de chaſteté :
cela ne doit point te fâcher. Si tu es ſage, comme
je le crois, tu ne dois pas t’y oppoſer ; &
ſi au contraire tu n’étois pas honnête, tu verrois
que je t’en voudrois revêtir. Je ſouffrirai
de vous, lui dis-je, tout ce que vous voudrez,
& même avec joie ; puiſque je ne ſouhaite rien
tant que d’être à vous ſeul, préférablement à
tous les autres hommes, que j’ai en averſion, ou
que je mépriſe tout au moins : je vous promets
même, continuai-je, de ne parler plus à Cléante,
je ne veux pas même le regarder davantage.
Bien-loin de cela, reprit-il, j’entends que
vous agiſſiez familiérement avec lui, avec honnêteté,
& je vous prie de faire en ſorte que
ni lui ni moi n’ayions pas ſujet de nous plaindre
de vous ; lui, ſi vous le traitez trop rude-
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