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Page:Chronique d une ancienne ville royale Dourdan.djvu/104

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CHAPITRE IX.

préparatifs ; l’affaire sera pour la nuit du lundi au mardi. Sur ce, on annonce Chollard, qui arrive d’Auneau pour s’entendre de vive voix. Le duc s’enferme avec lui, et Chollard, quand il se retire, paraît fort content d’un beau présent qu’il vient de recevoir.

Dourdan offrait, le lundi 23 novembre, le spectacle animé d’un camp la veille d’une bataille. Les soldats préparaient tout l’attirail, Dourdan prêtait des munitions, et trois milliers de poudre, de cordes, de balles et de mèches étaient disposés pour mettre au milieu des corselets et des piques. Les femmes pétrissaient de la pâte dans toutes les maisons, et vingt-cinq mille pains étaient prêts pour munir au besoin le bourg d’Auneau. On s’assurait de guides fidèles, on requérait des échelles, et on fabriquait des pétards pour lancer contre les portes. La nuit arrivait vite dans cette saison avancée ; les compagnies se formaient dans les faubourgs, et l’une après l’autre sortaient de la ville pour gagner le rendez-vous. Il était fixé à la sortie des bois de Dourdan, dans la plaine de Corbreuse, et le bruit avait été semé à dessein que l’armée se repliait sur Étampes à cause de la fatigue des troupes et de la difficulté de garder ce logis périlleux. M. de La Chastre était là d’avance qui assignait à chacun son rang.

Cependant, sortant du château avec son état-major de princes, seigneurs et capitaines, le duc de Guise s’en vint à l’église de Saint-Germain, où tout le clergé et le peuple étaient agenouillés. « Il ouït les Vespres fort dévotement, faisant veuz et supplications à Dieu, recognoissant que les victoires sont en sa main, et qu’il est le Dieu des batailles ; puis il fit descendre le Corpus Domini, et tous les assistans adorèrent le sacré et précieux corps de Nostre Seigneur Jésus-Christ, eslevé sur l’autel dedans un paradis. Il laissa son aulmosnier, pour continuer les prières toute la nuict avec le clergé et le peuple dudict lieu de Dourdan, et ordonna que l’on dist trois Messes à minuict comme le jour de Noël[1]. » Les chevaux attendaient à la porte de l’église ; le duc monta en selle avant sept heures, et partit avec son escorte. « Il s’en alla, dit de Lescornay, assisté de tous ceux de Dourdan capables de porter les armes, lesquels naturellement affectionnez à leur seigneur, ne pouvoient permettre qu’il s’engageast à une si haute entreprise sans estre de la partie et le seconder de leurs armes, pendant que les autres, trop vieux ou trop jeunes, avec les femmes, luy prépareroient la victoire par leurs vœux et prières[2] ».

Il faisait nuit noire dans la grande plaine, car on était « au deffault de la lune. » Il tombait une pluie froide, et le départ s’organisa avec des peines infinies. Le duc de Guise était inquiet et agité, les officiers d’ordonnance portaient « de grandes marques blanches pour estre recogneus parmy l’obscurité de la nuict. » Les files se perdaient, les guides

  1. De La Chastre.
  2. De Lescornay, p. 165.