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Page:Chronique de Guillaume de Nangis.djvu/367

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CHRONIQUE

chantaient comme s’ils eussent été invités à une noce, et sautaient dans la fosse ; beaucoup de femmes veuves firent jeter dans le feu leurs propres enfans, de peur qu’ils ne leur fussent enlevés pour être baptisés par les Chrétiens et les nobles, présens à ce supplice. Ceux qui furent trouvés coupables à Paris furent brûlés, les autres condamnés à un exil perpétuel ; quelques-uns, les plus-riches, furent conservés jusqu’à ce qu’on connût leurs richesses, et qu’on les adjugeât dans le fisc royal avec tous leurs biens ; on dit que le roi en tira cent cinquante mille livres.

On rapporte un accident arrivé dans le même temps à Vitry. Près de quarante Juifs ayant été renfermés dans une prison du roi à cause desdits crimes, comme ils se croyaient déjà près d’encourir la mort et ne voulaient pas tomber entre les mains d’hommes incirconcis, ils décidèrent qu’un d’entre eux égorgerait tous les autres ; et le consentement et, la volonté unanimes de tous furent que ce serait un ancien, qui paraissait le plus saint et le meilleur, et qu’à cause de sa bonté et de son âge les autres appelaient leur père, qui les mettrait tous à mort. Il n’y voulut consentir qu’à condition qu’on lui donnerâit quelque jeune homme pour accomplir avec lui cette œuvre pieuse. Cela lui ayant été accordé, ces deux-là tuèrent tous les autres sans exception. Lorsqu’ils ne virent plus qu’eux seuls de vivans, ils se disputèrent pour savoir qui des deux tuerait l’autre. Le jeune homme voulait que le vieillard le tuât, et lé vieillard voulait être tué par le jeune homme ; mais enfin le vieillard remporta, et il obtint par ses prières que le jeune homme lui donnerait la mort. Le vieillard et tous les autres