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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/104

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encore par un seul mot : « Aux besoins », écrit-il, et non « à mes besoins », sauvant ainsi la dignité et les bienséances. Et, non content de ce trait, il va poursuivre dans le même sens ; il va corriger ce que ses éloges pourraient avoir de trop vil et de trop abaissé.
« Ce n’est pas », continue-t-il, « que je désire vos dons », suivant l’idée déjà exprimée autrement par lui quand il disait : « Je ne parle pas sous l’empire du besoin ». Ceci est moins fort toutefois que la première manière d’écrire. Autre chose est ne pas chercher ni désirer, quand on est dans le besoin ; autre chose est ne pas même se croire dans le besoin quand réellement on s’y trouve. « Ce n’est pas que je désire vos dons ; mais je désire qu’il en revienne, pour votre compte et non pour le mien, un profit considérable ». Voyez-vous comme l’aumône leur amasse des fruits ? Je ne parle pas ici, dit-il, dans mon intérêt, mais dans le vôtre et pour votre salut. Je ne gagne rien, moi, en recevant ; tout le bien est pour ceux qui donnent, et non pour ceux qui reçoivent ; les premiers ont en réserve une récompense infinie ; les seconds consomment ce qui leur est ainsi donné. Nouvel éloge, mais non sans quelque aveu d’un besoin ; car s’il a dit : « Je ne désire pas », craignant qu’ils ne se ralentissent, il ajoute : « Maintenant j’ai tout reçu et je suis dans l’abondance », c’est-à-dire, votre aumône a réparé même les oublis précédents. C’est encore une manière certaine d’exciter leur zèle charitable. Il remercie : or, tout bienfaiteur, quand il a fait des progrès dans la sagesse chrétienne, désire d’autant plus trouver chez l’obligé la reconnaissance. « J’ai tout reçu, j’abonde ». C’est comme s’il disait : non seulement vous avez réparé les oublis du passé, mais vous avez même comblé la mesure et au-delà. Mais ne vont-ils pas voir ici un reproche ? Il le prévient par les sages précautions de tout ce passage. En effet, il avait dit : « Ce n’est pas que je désire vos dons », et plus haut : « Enfin, un jour vous avez refleuri », leur montrant ainsi qu’ils acquittaient une dette en retard ; le terme « j’ai reçu » de cette phrase même, rappelle qu’il a touché comme le montant d’une rente, comme les fruits d’un champ. Mais aussitôt il déclare qu’ils ont donné bien au-delà de leur dette : « J’ai tout reçu, j’abonde, je suis rempli de vos biens » ; et ce n’est pas à l’aventure, ce n’est pas par excès de tendresse que j’en fais l’aveu ; quoi donc ? « C’est que j’ai reçu par Epaphrodite ce que vous m’avez envoyé comme une obligation d’agréable odeur, comme une hostie que Dieu accepte volontiers et qui lui est agréable ». Mon Dieu ! à quelle hauteur il élève leur aumône ! Ce n’est pas moi qui ai reçu, dit-il, c’est Dieu par moi ; aussi quand je n’aurais aucun besoin, n’y regardez pas ; Dieu n’avait pas besoin assurément, et pourtant il a reçu ; à ce point que la sainte Écriture n’a pas craint de dire : « Le Seigneur a « respiré un parfum agréable » (Gen. 8,2) ; ce qui indique évidemment une joie de Dieu. Vous savez, oh ! vous savez comme notre âme est délicieusement impressionnée par un suave parfum, quelle douceur et quelle volupté elle y trouve. Eh bien ! l’Écriture sainte n’a pas fait difficulté d’attribuer à Dieu une expression aussi humaine, aussi abaissée, pour faire comprendre aux hommes comment il recevait leurs présents. Car ce n’étaient sans doute ni l’odeur, ni la fumée qui rendaient un sacrifice agréable ; mais bien le cœur qui l’offrait ; sinon, les dons mêmes de Caïn auraient été agréés. Et toutefois, l’Écriture atteste cette joie de Dieu ; et comment s’expliquer cette joie ? C’est que les hommes ne savent pas comprendre d’autre langage. Aussi l’Être bienheureux, qui est au-dessus de tout besoin, témoigne de sa joie, de peur que les hommes, sous prétexte que Dieu n’a pas besoin, s’attiédissent dans le devoir. Mais comme dans la suite des temps, oubliant toutes les autres vertus et obligations, ils n’avaient de confiance qu’en ces victimes immolées, Dieu les reprenait sévèrement en ces termes : « Est-ce que je mangerai la chair des taureaux ; est-ce que je boirai le sang des boucs ? » (Ps. 49,13) C’est le sens de saint Paul quand il dit : « Je ne cherche pas vos dons ».
4. « Je souhaite que mon Dieu comble tous vos besoins selon les richesses de sa gloire par Jésus-Christ ». Remarquez que Paul, à l’exemple des pauvres mendiants, remercie et bénit. Que si Paul bénit ainsi ses bienfaiteurs, combien moins devons-nous rougir d’en faire autant nous-mêmes quand nous recevons ; ou plutôt, ne recevons pas en nous félicitant d’échapper au besoin, ne nous réjouissons pas pour nous-mêmes, mais pour ceux qui donnent. Ainsi nous serons récompensés, nous aussi qui recevons, puisque nous serons heureux de