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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/128

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corps des fidèles. Quand vous voudrez faire la guerre à votre frère, songez que vous allez faire la guerre aux membres du Christ, et calmez votre fureur. Mais c’est un être abject, vil et méprisable… écoutez le Christ… « Ce n’est pas la volonté de mon Père qu’aucun de ces petits périsse ». (Mt. 18,14) Et ces paroles : « Leurs anges voient toujours face à face mon Père qui est dans le ciel ». (Ibid. 10) C’est pour lui que Dieu a souffert l’esclavage et la mort, et vous croyez que cet être dont vous parlez n’est rien ? Mais en combattant contre lui, c’est contre Dieu que vous combattez, en jugeant cet homme autrement que Dieu ne l’a jugé. Le prêtre, aussitôt qu’il entre, dit : « Paix entre tous ! » Quand il fait un sermon, quand il harangue les fidèles, il dit : « Paix entre tous ! » – « Paix entre tous ! » dit-il, en terminant le sacrifice. Et au milieu du sacrifice, il dit encore : « Que la grâce et la paix soient avec vous ! » N’est-il pas absurde, quand on nous recommande si souvent la paix, d’être toujours en guerre les uns avec les autres, de rendre guerre pour guerre et de combattre celui-là même qui nous offre sa paix ? Vous dites à cet homme : « Que la paix soit avec votre esprit ! » Et dehors vous le calomniez ! Hélas ! ces saintes et vénérables paroles ne sont plus que des symboles sans consistance. Hélas ! ce qui devait nous servir de drapeau n’est plus qu’un mot vide. Aussi ignorez-vous jusqu’au sens de ces mots : « Paix entre tous ! » Mais écoutez encore le Christ : Dans quelque ville, dans quelque bourg que vous entriez, « Entrant dans la maison, saluez-là : si cette maison en est digne, votre paix viendra sur elle ; si elle n’en est pas digne, votre paix reviendra à vous ». (Mt. 10,12, 13) Ce qui cause encore notre ignorance, c’est que nous ne voyons dans tout cela qu’une figure à laquelle nous ne faisons pas attention. Est-ce que c’est moi qui vous donne la paix ? C’est le Christ qui daigne vous parler par ma bouche. Quand nous n’aurions pas habituellement la grâce, nous l’avons pour nous adresser à vous. Si la grâce de Dieu a opéré dans une âme, dans un prophète, pour la dispensation de ses bienfaits, pour l’utilité des Israélites, il est clair qu’elle ne refusera pas d’opérer en nous et de nous soutenir.
5. Qu’on ne dise donc pas que je suis un être imparfait, vil, abject et de nulle valeur, et qu’on ne doit pas faire attention à mes paroles. Je suis tel que vous dites, en effet, mais Dieu, pour être utile à l’humanité, assiste d’ordinaire les créatures imparfaites. Et la preuve c’est qu’il a daigné parler à Caïn à cause d’Abel, au démon à cause de Job. à Pharaon à cause de Joseph, à Nabuchodonosor et à Balthasar à cause de Daniel. Les magiciens eux-mêmes ont obtenu le bienfait de la révélation, et Caïphe, tout meurtrier du Christ qu’il était, tout indigne qu’il était de la faveur divine, a eu le don de prophétie, pour la dignité du sacerdoce. C’est en considération de cette dignité qu’Aaron fut épargné par la lèpre. Pourquoi donc, en effet, je vous le demande, sa sœur a-t-elle été seule punie, quand il avait murmuré comme elle ? Ne vous en étonnez pas. Qu’un homme revêtu des dignités temporelles soit courbé sous le poids d’accusations innombrables, on ne le mettra en jugement que lorsqu’il aura déposé cette dignité, pour que l’opprobre ne rejaillisse pas sur elle. Il doit en être ainsi à plus forte raison pour l’homme revêtu d’un pouvoir spirituel, et qui, quel qu’il soit d’ailleurs, opère par la grâce de Dieu. Il doit en être ainsi ; autrement tout serait perdu. Mais une fois qu’il aura déposé le pouvoir, soit au sortir de la vie, soit durant cette vie même, il sera puni plus sévèrement que les autres. N’allez pas croire que c’est nous qui vous parlons ainsi. C’est la grâce de Dieu qui opère dans son serviteur indigne, non pas à cause de nous, mais à cause de vous.
Écoutez donc cette parole du Christ : « Si la maison en est digne, que votre paix descende sur elle ». Or comment peut-elle en être digne ? En vous accueillant, dit le Christ. « Mais s’ils ne vous accueillent pas, s’ils ne vous écoutent pas, en vérité, je vous le dis, la terre de Sodome et de Gomorrhe sera mieux traitée au jour du jugement, que cette cité ». (Mt. 10,13-15) Mais à quoi bon nous accueillir, si vous ne nous écoutez pas ? Quel fruit vous revient-il des honneurs que vous nous rendez, si vous ne faites pas attention à ce qu’on vous dit ? Voulez-vous nous rendre un témoignage d’honneur et de respect auquel nous tenions, et qui vous soit utile ainsi qu’à nous ? Écoutez notre parole. Écoutez saint Paul qui vous dit : « Je ne savais pas, mes frères, que ce fût un pontife ». (Act. 23,5) Écoutez aussi le Christ : « Observez », dit-il, « et faites tout ce qu’ils vous disent ». (Mt. 23,3)