Aller au contenu

Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/157

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

grâces à Dieu, emprunter la main de Dieu pour extirper le mal et terrasser le démon. Si vous vous montrez impatient, le démon, parvenu au comble de ses vœux, est là ; Dieu, blessé de vos blasphèmes et de vos outrages vous abandonne, en étendant, en augmentant votre plaie. Mais si vous rendez grâces à Dieu, le démon, voyant qu’il n’a rien à faire là, se retire, et Dieu, que vous honorez, vous honore davantage. L’homme qui rend grâces à Dieu de ses maux ne peut plus les ressentir. L’âme est heureuse de sa vertu ; la conscience est heureuse parce qu’elle chante ses propres louanges et sa victoire ; or la conscience, étant heureuse, ne peut être affligée. L’homme qui murmure sent peser sur lui le double fardeau de son malheur qui l’accable et de sa conscience qui le flagelle ; l’homme qui rend grâces à Dieu est couronné par sa conscience qui proclame son triomphe.
Qu’elle est sainte la bouche du juste qui rend grâces à Dieu, dans le malheur ! Le juste est alors un martyr. Comme un martyr, il est couronné. Car il a, lui aussi, à ses côtés un licteur qui lui ordonne de renier Dieu en blasphémant. Le démon le presse en tourmentant son âme et en jetant sur elle un sombre voile. Si, dans cette situation, le juste supporte la douleur, il reçoit la palme du martyre. Voilà par exemple un petit enfant qui est malade. Si sa mère rend grâces à Dieu, la palme du martyre lui appartient. Quel tourment pourrait égaler son chagrin ? Eh bien ! son chagrin ne peut lui arracher une parole amère. L’enfant se meurt ; elle rend de nouveau grâces à Dieu. Elle est devenue une vraie fille d’Abraham. Car, si elle n’a pas tué son enfant de sa propre main, elle s’est du moins réjouie de sa mort, ce qui est la même chose ; elle ne s’est pas irritée de se voir ravir celui que Dieu lui avait donné ; elle n’a pas eu recours à ces nœuds mystérieux, dont la superstition enseigne le secret. C’est le martyre qu’elle a souffert ; car elle a sacrifié son fils en pensée. – Mais quoi ? me dira-t-on, quel mérite a-t-elle eu à ne pas employer de pratiques superstitieuses, si ces pratiques sont inutiles, si elles ne sont que tromperie et enfantillage ? Mais il y avait des gens qui lui disaient que ces pratiques étaient efficaces, et elle a mieux aimé voir mourir son enfant que de sacrifier à l’idolâtrie. Ainsi cette femme a le mérite du martyre, qu’il s’agisse de ses propres souffrances ou qu’il s’agisse de voir souffrir un fils, un mari, ou un être quelconque qui lui est cher : la femme superstitieuse au contraire adore des idoles. Elle aurait, cela est évident, sacrifié aux faux dieux, si elle avait pu. Que dis-je ? Ce sacrifice a eu lieu. Elle a eu recours à des pratiques superstitieuses, à des nœuds mystérieux. Vous avez beau raisonner, vous qui employez aussi de semblables pratiques, vous avez beau dire : Nous invoquons Dieu, voilà tout ! et autres choses semblables. Vous avez beau dire que cette femme est une femme respectable, une bonne chrétienne : je vous réponds, moi, que vos pratiques superstitieuses sont de l’idolâtrie. Êtes-vous une vraie chrétienne ? Faites le signe de la croix et dites : Le signe de la croix, voilà mes seules armes, voilà le remède que j’emploie ; je ne connais pas d’autres moyens.
Dites-moi : si vous envoyez chercher un médecin et que ce médecin remplace les ressources de la médecine par des enchantements, lui donnerez-vous le nom de médecin ? Nullement ; car vous ne voyez pas autour de lui l’attirail de la médecine. Eh bien ! nous autres nous ne voyons pas dans ces pratiques l’attirail du christianisme. Il y a encore des femmes qui forment des nœuds figurant certains noms de fleuves, et qui osent se livrer à d’autres pratiques innombrables. Eh bien ! je vous le dis, je vous le déclare d’avance à vous tous : si je vous y prends encore, si quelqu’un retombe dans la superstition, qu’il s’agisse de nœuds, d’enchantements ou de tout autre sortilège, je ne l’épargnerai pas.
Il faut donc laisser mourir cet enfant, me direz-vous ? Si c’est garde semblables moyens que vous lui sauvez la vie, vous le faites mourir ; s’il meurt, parce que vous négligez de recourir à la superstition, vous le faites vivre. Quand vous voyez votre fils fréquenter des courtisanes, vous voudriez le voir enterrer et vous dites : de quoi sert qu’il vive ? Et quand vous voyez l’âme de votre enfant en péril, vous voulez lui sauver la vie, au prix de son salut ! Ne vous rappelez-vous pas ces paroles du Christ : Celui qui perdra sa vie pour l’amour de moi, la retrouvera, et celui qui voudra sauver sa vie, la perdra ? (Mt. 16,25) En croyez-vous le Christ, ou ces paroles ne sont-elles pour vous qu’une fable ? Si l’on vous disait : Conduisez votre enfant dans le temple des idoles et il vivra supporteriez-vous un pareil