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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/168

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pour lui une obole. Paul aussi autrefois enchaînait les fidèles et les jetait en prison. Mais, depuis qu’il est serviteur du Christ, il ne se glorifie pas de ses actes, il se glorifie de ses souffrances. Et voilà ce que cette prédication a de merveilleux : c’est à la souffrance, ce n’est pas au péché qu’elle doit ses triomphes et ses progrès. A-t-on jamais vu de semblables luttes ? Dans cette lutte céleste, c’est la victime qui triomphe ; c’est le bourreau qui est le vaincu. C’est la victime qui est illustre, et c’est du cachot que la prédication s’élance pour soumettre le monde. Non, je ne rougis pas, dit Paul, je me glorifie au contraire de prêcher la parole du crucifié. Conclusion : L’univers entier abandonne ceux qui sont libres pour s’attacher aux captifs ; il se détourne des bourreaux pour honorer ceux qui sont chargés de chaînes ; il adore le crucifié et n’a, pour ceux qui l’ont mis en croix, que des sentiments de haine.
4. Ce qu’il y a d’admirable, c’est que le don de la prédication est accordé à des pécheurs, à des hommes simples, c’est en outre que tous les obstacles naturels, au lieu d’être des obstacles pour ces hommes, ne font que doubler leurs forces. Oui, loin d’être pour eux un écueil, leur simplicité ne fait que rendre plus éclatante la vérité de la parole qu’ils prêchent. Écoutez-le dire : « Et l’on s’étonnait de trouver en eux des hommes simples et sans instruction ». (Act. 4,13) Leurs chaînes, loin de les gêner, leur donnaient plus d’assurance. Les disciples étaient encore plus audacieux quand Paul était captif que lorsqu’il était libre. « Afin », dit-il, « qu’ils aient plus de courage pour prêcher la parole de Dieu ». Où sont-ils ceux qui prétendent que ce n’est pas là une prédication divine ? La simplicité et l’ignorance des apôtres ne suffisaient-elles pas pour donner un démenti à cette assertion ? Ces hommes simples d’ailleurs n’auraient-ils pas dû être intimidés ? Car vous savez qu’il y a deux choses qui retiennent le commun des hommes : la fausse gloire et la crainte. Or, si leur simplicité et leur ignorance les préservaient de la honte, ils auraient dû au moins trembler devant le péril qui les menaçait. Mais, dira-t-on, ils faisaient des miracles. Vous croyez donc aux miracles des apôtres. Si vous me dites au contraire qu’ils n’en faisaient pas, je vous répondrai que, de la part de ces hommes, le plus grand de tous les miracles, c’était de ramener les âmes, sans recourir aux miracles.
Socrate aussi, chez les Grecs, fut chargé de chaîne. Eh bien ! les disciples ne s’enfuirent-ils pas aussitôt à Mégare ? Sans doute ; car ils ne crurent pas à ce qu’il leur disait de l’immortalité de l’âme. Mais voyez ce qui se passe ici. Dès que Paul est jeté en prison, les disciples redoublent de courage et ils ont raison ; car ils voient que ses liens ne sont pas pour la prédication des entraves. Pouvez-vous enchaîner la langue en effet ? La persécution ne fait que la rendre plus libre. Pour arrêter un coureur, il faut lui lier les pieds ; pour arrêter l’évangéliste, il faudrait lui lier la langue. Entourez de chaînes les reins du coureur, il n’en est que plus ardent à la course ; enchaînez l’évangéliste, ses liens lui donnent encore plus d’assurance et de courage pour prêcher la parole de Dieu. Le captif a peur, quand il n’est qu’un captif ; mais le captif qui est en même temps un homme de cœur et qui méprise la mort, comment ferez-vous pour l’enchaîner ? Les persécuteurs de Paul n’enchaînaient, pour ainsi dire, que le fantôme de Paul ; c’était comme s’ils voulaient fermer la bouche à une ombre. Car c’était contre une ombre qu’ils combattaient. Paul, dans les fers, n’en était que plus regrettable pour ses amis, n’en était que plus respectable pour ses ennemis. Ses liens étaient pour lui le prix qui attestait sa grandeur d’âme et son courage. La couronne, loin d’amener la rougeur sur le front couronné, est pour ce front un ornement et un titre de gloire. Eh bien ! les persécuteurs de Paul lui tressaient une couronne avec ses chaînes. Car, dites-moi, pouvait-il redouter les fers, l’homme qui osait briser les portes de la mort, ces portes d’airain ?
Parlons, mes amis, parlons de ces chaînes que nous devons ambitionner, dont nous devons être jaloux. O femmes qui vous couvrez de colliers d’or, soyez jalouses des chaînes de Paul. La splendeur que votre collier jette autour de votre cou, les chaînes de Paul la répandait sur son âme. Mais si vous ambitionnez ces ornements, détestez les ornements mondains. Qu’y a-t-il de commun entre la lâcheté et le courage, entre l’éclat matériel et la sagesse ? les liens de Paul, les anges les respectent ; ces colliers sont un objet de risée pour le ciel. Les chaînes de Paul nous élèvent de la terre au ciel ; les ornements mondains nous