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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/208

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mais : « Ne pouvant pas attendre plus longtemps », paroles où respire l’amitié. Que signifie, « ayant appréhendé que le tentateur ne vous eût tentés ? » Voyez-vous que les tentations qui nous font chanceler, sont des œuvres du démon, qui proviennent de ce qu’il veut nous égarer ? S’il ne peut pas nous ébranler nous-mêmes, il ébranle, en nous attaquant, ceux qui sont plus faibles : c’est là l’effet d’une faiblesse insigne, d’une faiblesse inexcusable. C’est ce qu’il fit, à propos de Job en excitant son épouse : « Maudissez Dieu », lui dit-elle, « et mourez ». (Job. 2,9) Voyez comme le démon l’a tentée. Maintenant, pourquoi l’apôtre ne dit-il pas : Ne vous eût ébranlés, mais : « Ne vous eût tentés ? » C’est que, dit-il, j’ai soupçonné seulement que vous pouviez avoir été tentés ; il se garde bien d’appeler cette tentation un ébranlement. Il faut accepter le choc pour être ébranlé. Ah ! voyez la tendresse de Paul. Il oublie ses afflictions, les perfidies qui l’entourent. Car je pense qu’en ce moment il demeurait dans la Grèce, où saint Luc nous dit qu’il séjourna trois mois au milieu des pièges des Juifs qui voulaient le perdre.

2. Donc il oublie ses propres dangers, ne pensant qu’à ses disciples. Voyez-vous qu’il n’est pas un père selon la nature qui puisse lui être comparé ? Que faisons-nous ? dans les afflictions, dans les dangers, nous ne pensons plus qu’à nous ; Paul, au contraire, ne craignait, ne tremblait que pour ses enfants, au point de leur envoyer, malgré les dangers qu’il courait lui-même, son unique consolateur, son unique auxiliaire, Timothée. « Et que notre travail ne devînt inutile ». Pourquoi ? Quand même ils auraient été renversés, ce ne serait pas de votre faute, ce ne serait pas par votre négligence. N’importe, en ces circonstances, je dis que mon travail serait devenu inutile, c’est mon vif amour pour mes frères qui parle ainsi. « Ayant appréhendé que le tentateur ne vous eût tentés ». Ce qu’il fait, sans savoir s’il vous fera tomber. Eh bien ! le démon, même sans savoir s’il triomphera, nous attaque ; nous, au contraire, quoique nous sachions parfaitement que nous aurons l’avantage sur lui, nous ne sommes pas en éveil ? Que le démon nous attaque sans savoir l’issue de la lutte, c’est ce qui se voit à propos de Job : en effet, voici ce que disait à Dieu ce démon pervers : « N’avez-vous pas, à l’intérieur et à l’extérieur, mis un rempart tout autour de lui ? Enlevez-lui ses biens j’imagine, certes, qu’il vous bénira en face ». (Job. 1,10-11) Il nous tente. S’il voit un côté faible, il attaque ; s’il rencontre la force, il se retire.

« Et que notre travail », dit l’apôtre, « ne devînt inutile ». Écoutons tous le récit des fatigues de Paul. Il ne dit pas : Notre ouvrage, mais « notre travail ». Il ne dit pas : Et que vous vous perdiez, mais : « Et que notre travail n’ait été inutile ». Quand vous auriez été ébranlés, je n’en serais pas surpris ; mais puisque vous ne l’avez pas été, je vous admire. Voilà, dit-il, ce à quoi nous nous attendions, mais ce qui s’est produit, c’est tout le contraire : car non seulement vous ne nous avez donné aucun sujet d’affliction, mais, de plus, vous nous avez consolés. – « Mais Timothée étant revenu vers nous après vous avoir vus, et nous ayant apporté la bonne nouvelle de votre foi et de votre charité ». – « Et nous ayant apporté la bonne nouvelle », dit-il. Voyez-vous l’allégresse de Paul ? Il ne dit pas : Nous ayant apporté la nouvelle, mais : « La bonne nouvelle », tant il attachait de prix à leur solidité dans la foi, à leur charité. Car nécessairement, quand la foi est solide, la charité aussi est robuste. Et il se réjouissait de leur charité, parce qu’il y voyait un signe de leur foi. « Et du bon souvenir que vous avez sans cesse de nous, qui vous porte à désirer de nous voir, comme nous avons aussi le même désir pour vous ». Il y a ici des éloges : ce n’est pas seulement quand nous étions auprès de vous, ni quand nous faisions des miracles, mais maintenant encore, quand nous sommes loin de vous, frappés de coups, en proie à mille maux, que vous avez su garder un bon souvenir de nous. Écoutez, voyez l’admiration qui s’attache aux disciples, gardant de leurs maîtres un bon souvenir, voyez combien leur sort est digne d’envie ; imitons-les ; car, par là, nous servons nos propres intérêts, nous ne sommes pas utiles seulement à ceux que nous aimons. « Qui vous porte à désirer de nous voir, comme nous avons aussi le même désir pour vous ». Encore un sujet de joie ici pour les fidèles. Apprendre, quand on aime, que celui qui est aimé connaît l’amour qu’on lui porte, c’est là un grand motif de joie et de consolation.

« Nous tenons à vous dire, mes frères, que,