Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/216

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feu ne s’éteindra point ». (Mc. 9,45) Mais maintenant il est nécessaire de vous parler, dans l’intérêt des jeunes gens ; ou plutôt ce n’est pas tant dans leur intérêt que dans le vôtre ; car ce n’est pas à eux, c’est à vous que conviennent de pareils discours ; comment cela ? Je m’explique : celui qui n’a pas appris à commettre l’adultère ne commet pas l’adultère ; mais celui qui se vautre avec des courtisanes, arrive bientôt à commettre l’adultère, quoiqu’il n’ait pas eu de commerce avec des femmes mariées, quoiqu’il n’ait pris d’infâmes habitudes qu’avec des femmes libres de tout engagement.

3. Quel est donc le conseil que je vous donne ? C’est d’extirper les racines du mal ; et, dans cette pensée, vous tous dont les fils sont des jeunes gens et qui voulez les lancer dans le monde, hâtez-vous de les soumettre au lien conjugal. La jeunesse est l’âge des passions qui troublent ; à l’époque qui précède le mariage, retenez vos fils par vos exhortations, vos menaces, des paroles qui inspirent la crainte, qui rappellent les promesses, par les mille moyens dont vous disposez. À l’époque du mariage, maintenant, pas de délai (voyez, je parle comme les femmes qui font les mariages), mariez vos enfants. Je ne rougis pas de tenir un pareil langage, puisque Paul n’a pas rougi de dire : « Ne vous refusez point l’un à l’autre ce devoir » (1Cor. 7,5), pensée qui semble, pour la pudeur, bien plus embarrassante que ce que je dis ; mais Paul n’a pas rougi. C’est que sa pensée ne s’arrêtait pas aux expressions, mais se portait sur les bonnes œuvres résultant des expressions employées par lui.

Donc, une fois votre fils devenu grand, avant de le faire entrer dans la milice, dans toute autre profession, occupez-vous de son mariage. S’il s’aperçoit que vous ne perdez pas de temps pour lui trouver une épouse, si vous ne le faites pas attendre, il pourra triompher du feu qui le brûle ; mais s’il remarque votre nonchalance, vos lenteurs, les occasions manquées par vous, s’il comprend que vous tenez, avant de le marier, à ce qu’il ait de grands revenus, la longueur de l’attente lui fera perdre courage, et vous le verrez vite glisser dans le libertinage. Hélas, hélas ! la racine de tous les maux, ici encore, c’est l’avarice. Nul ne se soucie de la modestie, de la sagesse de son enfant, tous jettent sur l’or des regards avides, et voilà pourquoi nul ne s’applique à faire ce que je conseille ici. Je vous en prie, avant tout, réglez vos enfants. Le jour où votre fils s’approchera d’une jeune fille chaste, rien qu’à sa vue, il se sentira possédé d’un vif désir, d’une crainte de Dieu plus grande ; il y aura un vrai mariage, un mariage honorable, noble, l’union de corps purs que rien n’a souillés ; les enfants qui en sortiront seront comblés de toute espèce de bénédictions ; l’époux et l’épouse n’auront l’un pour l’autre que déférence ; ignorant des mœurs étrangères, ils ne connaîtront réciproquement qu’eux-mêmes pour se céder tout l’un à l’autre.

Mais quand un jeune homme commence à prendre des leçons d’impudicité auprès des courtisanes, quand les désordres d’une vie honteuse sont devenus pour lui une habitude, le premier soir, le second soir encore il apprécie sa jeune épouse, mais bientôt il retombe dans l’infamie, il lui faut les éclats d’un rire dissolu et sans frein, les paroles que rien n’arrête, les attitudes lascives, toute l’ignominie que notre discours ne veut pas exprimer. La noble épouse ne supporte pas cette honte, elle ne se laisse pas profaner. Car si elle a été fiancée à un homme, c’est pour vivre en société avec lui, c’est pour lui donner des enfants, ce n’est pas pour être le honteux objet qui provoque des rires infâmes ; elle doit être la gardienne de sa maison, elle doit le former lui-même à l’honnêteté, elle n’est pas faite pour lui fournir un aliment de débauche. Quant à vous, je le sais bien, vous trouvez pleins de charmes les gestes des courtisanes ; l’Écriture aussi nous apprend que « le miel coule des lèvres de la courtisane » (Prov. 5,3) ; et si je fais tant d’efforts, c’est pour que vous ne goûtiez pas à ce miel qui se change bien vite en amertume. C’est encore ce que dit l’Écriture : « Qui semble dans le moment verser un doux breuvage dans votre gosier, mais bientôt, vous trouvez un goût plus amer que le fiel, qui vous pénètre plus que la pointe d’une épée à deux tranchants ». (Id. 4)

Que dites-vous ? Il faut que vous supportiez même l’immodestie pour ainsi dire, de ma parole, qui brave en ce moment la réserve et la pudeur. Ce n’est pas de gaîté de cœur que je tiens ce langage ; ceux qui ont, dans leur conduite, dépouillé toute pudeur, me forcent