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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/237

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cache dans la nuit de l’impureté. C’est comme dans les ténèbres de la nuit où tout ce qu’il y a d’hommes souillés, de pervers se plongent, se renferment avec leurs actions infâmes. Répondez-moi, n’est-ce pas le soir qu’attend l’adultère ? n’est-ce pas la nuit qu’attend le voleur ? le brigand qui force les sépulcres n’accomplit-il pas toute son œuvre pendant la nuit ? Eh quoi ! est-ce que le dernier jour ne les surprend pas comme fait un voleur ? est-ce que ce jour n’est pas imprévu pour eux ? Faut-il croire qu’ils le connaissent par avance ? Comment donc l’apôtre peut-il leur dire : « Vous n’avez pas besoin qu’on vous en écrive ? » C’est qu’ici l’apôtre ne pense pas à l’incertitude dit moment, mais au malheur de la catastrophe ; il veut dire que ce jour ne viendra pas pour le malheur des fidèles. En effet, ils en seront surpris, eux aussi, mais ils n’y trouveront aucun sujet d’affliction. « Pour être surpris de ce jour comme d’un voleur ». Dans une maison où l’on veille, où il y a de la lumière, le brigand a beau venir, il ne peut causer aucun dommage ; il en est de même pour ceux qui vivent dans l’honnêteté ; quant à ceux qui dorment, le brigand les dépouille de tout ce qu’ils ont, ce sont ceux qui ont trop de confiance dans les choses d’ici-bas. L’apôtre ajoute ensuite : « Car vous êtes tous des enfants de lumière et des enfants du jour (5) ». Mais, demande-t-on, qu’est-ce que cela veut dire, des enfants du jour ? C’est de même qu’on dit, des enfants de perdition, des enfants de l’enfer. Aussi le Christ dit-il aux Pharisiens : « Malheur à vous, qui courez la mer et la terre pour faire un prosélyte, et, quand vous l’avez, en faites un enfant de la géhenne ! » (Mt. 23,15) Et Paul : « Puisque ce sont ces crimes qui font tomber la colère de Dieu sur les enfants de la désobéissance » (Col. 3,6) ; ce qui veut dire, les pécheurs qui font les œuvres dignes de la géhenne, les œuvres de la désobéissance. De même donc que les enfants de Dieu sont ceux qui font les œuvres agréables à Dieu, de même les enfants du jour et les enfants de la lumière sont ceux qui font les œuvres de la lumière.

« Nous ne sommes point des enfants de la nuit, ni des ténèbres. Ne dormons donc point comme les autres ; mais veillons, et gardons-nous de l’enivrement de l’âme. Car ceux qui dorment, dorment durant la nuit, et ceux qui s’enivrent, s’enivrent durant la nuit. Mais nous, qui sommes enfants du jour, gardons-nous de cette ivresse (6, 7, 8) ». L’apôtre montre ici que notre vie appartient au jour. Le jour et la nuit qui frappent nos yeux, ne dépendent pas de notre volonté ; la nuit vient en dépit de nous ; malgré nous, le sommeil nous saisit ; mais, pour ce qui est de l’autre nuit, de l’autre sommeil, il n’en est pas de même ; nous pouvons être toujours éveillés ; nous pouvons nous faire un jour perpétuel. Fermer les yeux de l’âme, se laisser aller au sommeil de la perversité, ce n’est pas un effet de la nature, mais de la libre volonté. « Mais veillons », dit-il, « et gardons-nous de l’enivrement de l’âme ». On peut dormir, tout éveillé qu’on est, si l’on ne fait rien de bien. Voilà pourquoi l’apôtre ajoute : « Et gardons-nous de l’enivrement de l’âme ». En effet, veiller dans le jour, mais pour s’enivrer, c’est s’exposer à des maux innombrables. De sorte qu’il faut qu’à la vigilance se joigne la sobriété.

« Ceux qui dorment », dit-il, « dorment durant la nuit, et ceux qui s’enivrent, s’enivrent durant la nuit ». L’ivresse dont il parle ici n’est pas seulement l’ivresse produite par le vin, mais celle qui résulte de tous les vices. Car l’ivresse de l’âme, ce sont les richesses, le désir de l’argent, l’amour sensuel ; tout ce que vous pouvez dire d’affections de ce genre constitue l’ivresse de l’âme. Mais pourquoi la malignité est-elle appelée par l’apôtre un sommeil ? C’est que d’abord le pervers n’a aucune énergie pour la vertu : ensuite il n’a que des fantômes devant les yeux, il ne voit nulle part la vérité, il est plein de songes, l’extravagance est dans toutes ses actions ; s’il lui arrive de voir le bien, il n’y a la ni fermeté, ni solidité. Telle est la vie présente, un tissu de rêves et de vaines images. La richesse est un rêve ; de même, la gloire, et toutes les choses du même genre. Celui qui dort ne voit ni le réel, ni le vrai ; à ce qui n’existe pas, il attribue une réalité qui n’est que dans son imagination. Telle est la pensée corrompue, telle est la vie passée dans la corruption ; l’homme corrompu ne voit pas la réalité, c’est-à-dire, ce qui est spirituel, céleste, persistant, durable, mais ce qui s’écoule, ce qui s’envole, ce qui s’échappe bien vite loin de nous. Or, il ne suffit pas de la vigilance et de la sobriété, il faut y joindre encore l’énergie