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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/258

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chrétiens ; ils n’avaient pas, pour un tel, un amour sans bornes ; pour tel autre, aucune affection ; leur affection était égale pour tous. C’est ce que l’apôtre fait entendre par ces paroles : « Et que la charité que vous avez les uns pour les autres ». C’est l’équilibre ; les chrétiens ne forment tous qu’un corps ; aujourd’hui même, nous voyons bien que beaucoup de personnes éprouvent la charité, ressentent l’affection, mais cette affection est une cause de dissentiment. Qu’arrive-t-il, dans le cas de deux ou trois amis ensemble ? Ces deux ou trois, ou quatre, étroitement unis, se séparent des autres, les abandonnant pour ceux qui font leur force, en qui seuls ils ont une confiance exclusive ; c’est le déchirement de la charité, ce n’est plus de la charité. Supposez que l’œil, qui doit veiller pour tout le corps, ne s’exerçât plus que dans l’intérêt de la main, se séparât de toutes les autres parties du corps, pour ne s’occuper que de la main, ne serait-ce pas la perte du corps entier ? Assurément. Il en est de même pour nous ; notre charité doit s’étendre à toute l’Église de Dieu. Si nous la concentrons sur un seul ou sur deux, nous nous perdons nous-mêmes, et nos amis, et tous les autres. Ce n’est pas là de la charité ; il n’y a là que division, séparation, déchirement, tiraillement. Une partie arrachée au corps humain aura beau posséder toute l’unité, toute la cohésion possible, cependant il n’y en a pas moins fracture, déchirement, vu que cette partie n’est pas unie au reste du corps.
2. Qu’importe que celui-ci, que, celui-là soit l’objet de votre amour passionné. L’amour est un sentiment humain ; si votre sentiment est plus qu’humain, si c’est en vue de Dieu que vous aimez, aimez tous les hommes, car Dieu nous commande d’aimer jusqu’à nos ennemis. S’il nous a commandé d’aimer jusqu’à nos ennemis, à combien plus forte raison ceux qui ne nous ont fait aucun mal. Mais je suis plein d’amour, me répond-on ; non, vous ne ressentez pas l’amour divin, ou plutôt vous ne ressentez aucun amour ; vous accusez, vous enviez, vous dressez des pièges. Où est votre amour ? Mais, je ne fais rien de pareil, me répond-on. Cependant, quand vous entendez médire, vous ne fermez pas la bouche du médisant, vous ne refusez pas d’ajouter foi à ses paroles, vous ne l’arrêtez pas ; quelle marque d’amour ! « Puisque la charité », dit l’apôtre, « que vous avez les uns pour les autres, prend tous les jours un nouvel accroissement, de sorte que nous nous glorifions en vous, dans les églises de Dieu (3, 4) ».
Dans la première épître, il dit que toutes les églises de la Macédoine et de l’Achaïe ont retenti du bruit de leur foi : « De telle sorte », dit-il, « qu’il n’est point nécessaire que nous en parlions, puisqu’ils racontent eux-mêmes de nous, quel a été le succès de notre arrivée parmi vous ». (1Thes. 1,8-9) Ici maintenant il dit : « De sorte que nous nous glorifions ». Qu’est-ce que cela veut dire ? Dans la première épître, il dit : Ils n’ont pas besoin de nos leçons ; dans celle-ci, il ne dit pas Nous leur apportons l’enseignement, mais : « Nous nous glorifions ». Cela veut dire : Si, à cause de vous, nous rendons grâces à Dieu, si nous nous glorifions auprès des hommes, à bien plus forte raison vous convient-il de le faire pour les biens qui nous arrivent. Si, en effet, vos bonnes œuvres méritent que d’autres se glorifient, comment seront-elles, pour nous, un sujet de lamentations ? On ne peut pas le dire : « De sorte que nous nous glorifions en vous dans les églises de Dieu, à cause de la patience et de la foi que vous montrez ». Il prouve ici que beaucoup de temps s’est passé, car la patience suppose beaucoup de temps, plus qu’une simple durée de deux ou trois jours. Et maintenant il ne dit pas seulement, la patience ; il faut certes beaucoup de patience pour attendre, sans en jouir, des biens qui sont promis. Mais l’apôtre indique ici une plus grande patience. Quelle est-elle ? La patience au sein des persécutions. Ce qui prouve que c’est là la patience qu’il indique, c’est ce qui suit : « Dans toutes les persécutions et les afflictions que vous supportez ». En effet, ils étaient entourés d’ennemis, qui, de tous côtés, cherchaient à leur nuire, et la patience des fidèles, leur solidité était inébranlable.
Honte à ceux qui, pour s’assurer des protecteurs parmi les hommes, changent de croyances ; aux premiers jours de la prédication, des pauvres, obligés, de travailler tous les jours pour gagner leur vie, bravèrent les inimitiés de ceux qui gouvernaient l’État, des plus hauts dignitaires, des plus grands potentats ; on ne rencontrait pas un chrétien parmi les princes et les magistrats, et cependant ces premiers chrétiens supportaient une guerre implacable, et ne renonçaient pas à leur foi.