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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/289

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aussi, afin qu’ils contemplent la gloire que vous m’avez donnée ». (Jn. 17,24) Apprenons quels sont ceux-là, afin que nous les félicitions d’être destinés à jouir, de tels biens, à participer à une telle gloire et à une telle lumière ! Car ici-bas la gloire est vaine et instable ; si longtemps qu’elle dure, elle ne peut durer plus que nous, elle s’évanouit donc bientôt. « Sa gloire », dit l’Écriture, « ne descendra pas avec lui dans la tombe » (Ps. 48,18) ; et pour beaucoup elle n’a pas même duré jusqu’au terme de leur vie. Mais, pour la gloire céleste, on ne peut rien soupçonner de tel ; bien au contraire, elle demeure et n’aura jamais de fin. Car ces dons divins sont permanents, supérieurs au changement et à la mort. Alors la gloire ne vient plus des choses extérieures, mais elle a son siège en nous-mêmes, elle ne provient plus des vêtements somptueux, de la foule des serviteurs, des chars qui nous portent ; l’homme est revêtu d’une gloire indépendante de tout cela. Ici, quand il est privé de ces insignes, il est dépouillé de sa gloire : c’est ainsi qu’aux bains tous sont également nus, gens illustres et gens obscurs et misérables. C’est un danger que beaucoup ont couru, même sur les places publiques, lorsque pour quelque nécessité leurs serviteurs s’éloignaient d’eux. Mais le bienheureux n’est plus nulle part séparé de sa gloire. De même que les anges, quelque part qu’ils se montrent, portent leur gloire en eux-mêmes, ainsi en est-il des saints. Le soleil n’a pas besoin de vêtement ; il n’a pas besoin d’un autre soleil, mais, dès qu’il paraît, il fait reluire sa gloire ; ainsi en sera-t-il dans le ciel.
3. Poursuivons donc cette gloire, digne de la plus haute vénération ; renonçons à l’autre qui est ce qu’il y a de plus vain. « Ne vous enorgueillissez pas », dit l’Écriture, « des vêtements qui vous couvrent ». (Sir. 11,4) Voilà ce qu’a dit aux insensés la sagesse d’en haut. En effet, le danseur, la courtisane, l’acteur, ne sont-ils pas vêtus avec plus de grâce et de richesse que vous ? Et, quand il n’en serait pas ainsi, comment vous enorgueillir d’un objet que les vers peuvent vous ravir, s’ils s’y attachent ? Vous voyez donc combien est instable la gloire de la vie présente. Vous vous enorgueillissez d’une chose qu’un insecte produit et qu’un insecte dévore. On dit en effet que ces fils sont l’œuvre de petits animaux de l’Inde[1]. Acquérez un vêtement, si vous le voulez, mais un vêtement qui soit tissu dans le ciel, un ornement vraiment digne d’admiration et de gloire, un costume dont l’or soit véritablement pur. Cet or n’est point arraché des mines par les mains des condamnés, mais il est le produit de la vertu. Revêtons-nous de cette robe qui n’est pas, l’œuvre des pauvres et des esclaves, mais du souverain Maître lui-même. Mais quoi ! L’or est-il répandu sur ce vêtement ? Et que vous importe ? Ce que chacun admire dans votre costume, c’est l’art de l’ouvrier et non vous qui le portez, et c’est l’ouvrier seul qui le mérite. Pour les vêtements simples, nous n’admirons pas le morceau de bois sur lequel on les a étendus chez le foulon ; nous ne faisons cas que de l’ouvrier lui-même ; et cependant le bois porte le vêtement et sert à le maintenir : de même une femme parée[2] ne sert qu’à donner de l’air à ses vêtements, pour que les vers ne les dévorent pas.
Comment donc en vient-on à cet excès de folie que, pour un objet qui n’est rien, l’on montre une telle passion, on soit prêt à tout faire, on trahisse le soin de son salut, on méprise l’enfer, on outrage Dieu, on oublie la pauvreté du Christ ? Que dire de cette abondance de parfums, fournis par l’Inde, l’Arabie et la Perse, secs et liquides ; essences et parfums à brûler, pour lesquels on fait une dépense si grande et si inutile ? Femme, pourquoi parfumez-vous un corps qui au dedans est rempli d’impureté ? Pourquoi tant de frais pour un objet infect ? C’est comme si vous jetiez un parfum sur de la boue ou du baume sur une misérable argile ? Il est, si vous voulez l’acquérir, un parfum, un aromate, dont vous pouvez embaumer votre âme ; on ne le tire point de l’Arabie, de l’Éthiopie, ni de la Perse, mais il descend du ciel lui-même ; on ne l’achète point au prix de l’or, mais par la bonne volonté et la foi sincère. Procurez-vous ce parfum, dont l’odeur peut remplir la terre entière. C’est lui que respiraient les apôtres. « Nous sommes un parfum d’agréable odeur », dit l’apôtre, « aux uns pour la mort, aux autres pour la vie ». (2Cor. 11,15-16) Que veulent dire ces paroles ? C’est que, dit-on, une odeur agréable suffoque les porcs. Ce

  1. Il s’agit évidemment de la soie : dans la géographie très imparfaite de cette époque, l’Inde se dit pour l’extrême Orient.
  2. Texte obscur et peut-être altéré.